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«Pas plus efficace qu’un placebo!» C’est ce qu’on entend souvent pour dire que quelque chose n’est pas efficace. Mais qu’est-ce qu’un placebo? Et est-ce vraiment inefficace?
Définition
Placebo vient du verbe latin placere et signifie je plairai. Son emploi comme nom date du 12è siècle où l’on a nommé l’office des morts du premier mot du verset « Placebo Domino in regione vivorum » psaume 116 (Je plairai au Seigneur chez les vivants). La première mention du mot placebo, définit comme une médication destinée plus à plaire au patient qu’à être efficace, remonterait au début du 19è siècle.(1)
Un placebo est une substance inerte (ne contenant aucun principe actif) qu’on substitue au médicament lors d’études cliniques dans le but de dissocier les effets du médicament testé des effets psychologiques positifs qui accompagnent généralement la prise d’un médicament. Ou, selon Dr Philippe Ryvlin, c’est une «Procédure thérapeutique ayant un effet sur un patient, un symptôme, un syndrome ou une maladie, mais qui est objectivement dénué d’activité spécifique pour la pathologie traitée.»(2)
Dans une étude randomisée (ou à répartition aléatoire) contrôlée contre placebo, on divise donc le groupe de participants en 2 parties égales et semblables de façon aléatoire. Un sous groupe reçoit alors le médicament à tester et l’autre reçoit un produit inactif, mais en tout point semblable (aspect, goût, odeur, texture). Cette procédure permet d’évaluer l’effet réel du médicament en éliminant l’influence de facteurs comme l’état du patient, sa réaction psychologique à la prise du médicament (croire que ce dernier pourrait le soigner, ou lui donner des effets secondaires, etc.) ou même sa confiance dans le personnel traitant.
Ce qu’on nomme effet placebo est la réaction physiologique positive provoquée par la prise du placebo. De récentes découvertes permettent aujourd’hui de mesurer cet effet. À l’aide de différentes techniques comme des résonnances magnétiques, on mesure la réaction au placebo dans certaines parties du cerveau: libération de diverses substances au cerveau, notamment des endorphines (analgésiques), de la dopamine et de la sérotonine.(3,4)
Problématique du placebo
Dans bien des cas, l’application du modèle d’étude avec placebo de contrôle est complexe, voire impossible. L’exemple des nutriments est patent. Si vous voulez étudier l’effet d’une vitamine, d’un minéral ou d’une combinaison, votre groupe contrôle risque fort de ne pas être convaincant. Même si le produit pris par les volontaires est inerte, le dosage sanguin de la substance étudiée, chez ces mêmes personnes, a bien des chances de raconter une toute autre histoire! Le niveau zéro d’un nutriment est impossible à obtenir (et certainement pas souhaitable, pour des raisons santé évidentes). De fait, si votre étude porte sur la vitamine C et que les personnes qui sont dans le groupe contrôle sont de grands amateurs de kiwi et autres sources de vitamine C, leur taux sanguin pourrait être aussi élevé que celui des participants qui prennent le supplément de vitamine C. (Voir Les études cliniques sont-elles les meilleurs outils pour évaluer les effets des nutriments?)
L’utilisation du placebo est également problématique pour l’étude des approches qui ne sont pas basées sur la consommation d’un produit simple. Comment peut-on, par exemple, donner l’impression réaliste de planter des aiguilles dans la peau sans le faire? Il était question de clou de girofle dans un article récent (Route des épices: le clou de girofle): croyez-vous qu’il soit possible de créer un placebo en tout point semblable à l’huile de clou (non seulement l’odeur et le goût, mais également l’effet anesthésiant qu’on lui connaît)? Pensez aussi aux massages et autres thérapies manuelles, à la chirurgie (des chirurgies placebo ont déjà existé, mais sont maintenant interdites pour des raisons éthiques évidentes…), aux autres produits (PSN) ayant une saveur ou un aspect très caractéristique et à toutes les thérapies complexes et/ou environnementales. Qu’est-ce qui sera utilisé sur le groupe témoin? Est-il possible de trouver un placebo convaincant et absolument sans effet?
L’effet placebo, partie intégrante de tout traitement qui fonctionne
La notion même de l’effet placebo est très dérangeante pour notre esprit scientifique et cartésien où les relations de cause à effet doivent être claires. Il faut cependant garder en mémoire que l’humain est complexe et variable (fluide).
Donc, dans le cadre d’une étude clinique, on peut dire:
Effet spécifique du médicament = effet observé – effet placebo
Des placebos qui guérissent
La notion de placebo est beaucoup plus vaste et plus complexe que la petite pilule de sucre. Elle englobe tout ce qui a trait à la capacité de l’individu d’influer sur sa propre destinée. L’effet placebo nous enseigne que l’humain a la capacité de se guérir lui-même.
Des études effectuées chez des personnes atteintes de la maladie de Parkinson ont montré qu’il est possible d’améliorer les symptômes de cette maladie à l’aide d’un placebo et que cette amélioration est similaire (au niveau cérébral) à celle obtenue par des médicaments. Cet effet objectivable n’en est pas moins un mystère. On l’observe, on peut même en quantifier certains aspects, mais de là à l’expliquer…
Daniel Moerman, dans son livre Meaning, Medicine and the Placebo Effect, relève des données intéressantes sur l’effet placebo:(5)
· Dans une étude sur les médicaments pour traiter des ulcères d’estomac: Le médicament est plus efficace à court terme, mais le placebo semble avoir guéri les patients puisque, dans le groupe placebo, le nombre de ceux qui subissent des récidives est plus petit.
· Dans un cas de fausse chirurgie (le patient a été ouvert, mais rien n’a été fait): le patient a guéri.
· Pilule rose vs pilule bleu: la couleur, la perception du traitement influence l’effet de ce dernier.
Ces observations nous amènent à nous poser la question suivante: Si l’effet placebo consiste en une guérison ou une amélioration de la santé par l’esprit, comment pouvons-nous harnacher ce pouvoir?
A l’inverse, les hôpitaux et le corps médical, avec leur volonté de n’utiliser que le cliniquement prouvé et le peu de temps qu’ils peuvent allouer à chaque patient, ne mettent-ils pas des bâtons dans les roues de cet effet bénéfique et totalement sécuritaire?
Les facteurs qui influencent l’effet placebo
Le traitant
Deux facteurs liés au médecin augmentent manifestement la probabilité et l’intensité d’une réponse placebo: son empathie envers son patient et sa conviction en l’efficacité de ce qu’il prescrit.(6)
Le traité
On observe que certains types de personnalités (les joueurs, par exemple) répondent mieux au placebo que d’autres. De même, les personnes déprimées réagissent moins bien aux divers traitements.
Les convictions du patient jouent aussi un rôle dans l’issue du traitement. Elles peuvent influencer les résultats dans les 2 sens: le patient peut être convaincu que le traitement fonctionne… ou qu’il va souffrir. Les expériences précédentes de maladies du patient alimentent ses convictions. Par exemple, si le patient n’a eu que des maladies qui se sont résolues d’elles-mêmes, il répondra mieux au traitement. À l’inverse, si son expérience comporte plutôt des maladies chroniques, il sera porté à faire moins confiance en la capacité du traitement de le soigner, et le traitement en sera moins efficace.
Le traitement
La forme, la couleur, la saveur (Si ça goûtait bon, ça ne te guérirait pas!), etc. du produit peuvent avoir un impact sur l’effet. De même, l’utilisation de manipulations, tests, injections et autres facteurs similaires ainsi que la formule de traitement font appels aux expériences et convictions du patient et influencent le résultat final.
Autres facteurs
L’effet placebo peut être augmenté ou diminué par la suggestion, l’environnement, etc. De même, on peut le réduire par des procédés pharmacologiques. Par exemple, en 1978, Levine a montré qu’on peut neutraliser la réponse au placebo à l’aide d’un médicament qui inhibe les narcotiques, le naloxone.(7)
L’effet nocebo
L’effet nocebo (du latin je nuirai) englobe les effets négatifs produits par le placebo. Oui, oui, les effets secondaires indésirables produits par une pilule inerte. Tout comme le placebo, le nocebo se mesure par des effets neurologiques visibles dans le cortex cérébral.
Le nocebo est donc le côté sombre de la force 🙂 . Nous avons la faculté de nous guérir et de nous soulager, mais nous avons aussi la capacité de nous nuire. Certaines personnes sont convaincues qu’elles feront des effets adverses. Devinez quoi? Elles les font! Pouvoir de suggestion? Perte de confiance, convictions, anticipation de résultats négatifs, crispation et tension nerveuse, etc. sont tous liés à cet effet négatif. Il a d’ailleurs été démontré que le niveau d’anxiété est relié à l’intensité de l’effet nocebo.(8) Peut-on inclure toutes les pratiques occultes, les magies noires comme le Voo-doo, dans le nocebo?
Des miracles?
À l’entrée de la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré, dans la région de Québec, on est accueilli par 2 immenses colonnes de béquilles et autres objets témoins des guérisons miraculeuses. Ces miracles pourraient-ils être redevables, en tout ou en partie, de l’effet placebo?
Références:
1. Wikipédia, Effet placebo: http://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_placebo
2. Dr P Ryvlin, Neurologie Fonctionnelle et épileptologie, INSERM, France
3. de la Fuente-Fernández R. The placebo-reward hypothesis: dopamine and the placebo effect. Parkinsonism Relat Disord. 2009 Dec;15 Suppl 3:S72-4. PubMed PMID: 20083013.
4. de la Fuente-Fernández R, Stoessl AJ. The biochemical bases of the placebo effect. Sci Eng Ethics. 2004 Jan;10(1):143-50. PubMed PMID: 14986780.
5. Moerman Daniel E, Meaning, Medicine and the Placebo Effect. Cambridge University Press. 2002 (critique disponible à http://spiritseeker.vox.com/library/post/meaning-medicine-and-the-placebo-effect-by-daniel-moerman.html)
6. Egbert LD, Reduction of Postoperative Pain by Encouragement and Instruction of Patients. A Study of Doctor-Patient Rapport. N Engl J Med 1964; 270 (16): 825-7.
7. Levine JD, Gordon NC, Fields HL. The mechanism of placebo analgesia. Lancet. 1978 Sep 23;2(8091):654-7. PubMed PMID: 80579.
8. Colloca L, Benedetti F. Nocebo hyperalgesia: how anxiety is turned into pain. Curr Opin Anaesthesiol. 2007 Oct;20(5):435-9. Review. PubMed PMID: 17873596.
9. Enck P, Benedetti F, Schedlowski M. New insights into the placebo and nocebo responses. Neuron. 2008 Jul 31;59(2):195-206. Review. PubMed PMID: 18667148.
10. Benedetti F, Lanotte M, Lopiano L, Colloca L. When words are painful: unraveling the mechanisms of the nocebo effect. Neuroscience. 2007 Jun 29;147(2):260-71. Epub 2007 Mar 26. Review. PubMed PMID: 17379417.
11. Science presse, Le véritable effet placebo: http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2005/cap1209051.html
12. Centre Hospitalier de Rouen – Effet placebo : http://www.chu-rouen.fr/ssf/envir/effetplacebo.html
Super article, merci !!
C’est une question un peu absurde mais
etant plutôt quelqu’un de negative,
je me demandais quels sont les moyens les plus générals ou/et les plus avantageux pour faire germer ses fameuses pensées positives ?
J’espère que ma question n’est as trop vague.
Merci
Bonjour « kerplunk »,
Le point de vue positif ou l’optimisme au sens large est un état d’esprit qui se cultive avec le temps. On ne devient pas optimiste du jour au lendemain simplement en le décidant. Mais presque…
En fait, la meilleure façon d’aborder ce chemin est de se concentrer sur ce qu’on veut et non sur ce qu’on en veut pas.
Quel est votre but? Quel genre d’activité vous remplit d’un sentiment de bien-être ou d’accomplissement (ce que j’appelle votre grand oeuvre)?. Il ne s’agit pas de changer le monde. Plutôt, il faut simplement déterminer ce qui nous fait vibrer le plus. Par opposition, quelles sont les activités qui vous empêchent de faire plus de ce type valorisant d’activité? Comment les réduire, voire les éliminer ?
Dans cette réflexion, vous constaterez le plus souvent que ce qui apparaît comme du négativisme est plutôt une insatisfaction et une foclisation sur les détails négatifs qui vous empêchent de vous accomplir.
Faites cette réflexion, souvent. Même continuellement. Éventuellement, vous découvrirez que, plus vous faites de la place aux activités valorisantes, moins il y en a pour les activités déprimantes.
Ainsi, le pas vers le positivisme passe par l’action. C’est plus facile 🙂
Santé!
Encore une fois félicitations. Tu as très bien décrit l’effet placebo et tu m’as fait penser à une étude en particulier où des enfants atteints de la paralysie cérébrale ont été traité dans une chambre hyperbare : un groupe à haute pression et le deuxième à basse pression. Les deux groupes ont montré une amélioration notable et la conclusion était que la chambre hyperbare n’est pas un bon traitement parce que ce n’est qu’un effet placebo. En réalité l’oxygénation n’a pas besoin d’être à haute pression, la preuve : des athlètes professionnels utilisent des chambres portatives à base pression et ils ont d’excellents résultats…un autre effet placebo? Peu importe, il faut arrêter de penser que « placebo » = négatif. Comme tu as très bien dit, le corps est une machine incroyable capable de s’auto guérir, surtout si accompagné d’une bonne dose des pensés positifs. Merci de le dire si bien.
Bonjour M. Dionne,
J’ai effectué une petite recherche sur votre site concernant les tendinites mais vous ne semblez pas avoir traité de ce sujet. Si ce n’est pas le cas il serait intéressant d’avoir votre avis concernant cette question puisque de nombreux sportifs et travailleurs sont touchés par cette problématique. J’ai personnellement une tendinite du tendon d’Achille depuis plusieurs années et je me questionnais s’il y avait des suppléments ou traitements (alimentaire, vitamines, plantes, autres) qui pouvaient être efficaces afin d’aider à une amélioration ou une guérison de ce type d’infection (en plus des traitements en ostéopathie ou physiothérapie).
Merci de partager votre expertise avec nous,