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Les 14 et 15 octobre derniers, des chercheurs nous ont présentés les dernières découvertes en obésité lors du 1er symposium de la Chaire J.A. DeSève de recherche en nutrition qui s’est tenu à l’université de Montréal.

Quoi de neuf, docteur?

Vous vous en doutez, on y a beaucoup parlé d’alimentation et de sédentarité. Mais les récentes recherches apportent une nouvelle lumière sur les causes de l’obésité.

Qu’est-ce que tu manges, maman?

Saviez-vous que certains facteurs peuvent programmer l’obésité dès la période intra-utérine? Des études chez les animaux montrent que l’alimentation de la mère programme le métabolisme de l’enfant avant la naissance. La carence de nutriments clés, comme les omégas 3, ou la surabondance de nutriments néfastes, comme le fructose, peut influencer le métabolisme du nourrisson en le prédisposant à l’obésité.

Une raison de plus d’éviter les perturbateurs hormonaux

(Voir aussi Perturbateurs hormonaux… présents! et Faut-il éliminer les plastiques?)

Les polluants organiques persistants (les dioxines, entre autres) peuvent causer des dysfonctionnements hormonaux en lien avec l’obésité (vérifié sur un modèle animal) et le diabète de type 2.

Un environnement obésogène

Notre environnement est favorable au développement du surpoids et de l’obésité: sédentarité et facilité d’un côté, accessibilité des aliments riches en énergie et pauvre en nutrition de l’autre. Selon une étude, il y a un lien direct entre le temps passé devant l’écran et l’obésité.(1,2) De plus, nous sommes constamment bombardés de messages qui truquent nos barrières et notre conscient et nous poussent à la consommation impulsive d’aliments de mauvaise qualité: le néfaste food et tous les aliments industriels qui sont riches en sucre, en sel et en gras.

À ce titre, l’émission l’Épicerie de Radio-Canada a fait un reportage très intéressant, le 13 octobre dernier. Je vous invite à le visionner car il couvre l’ensemble des sujets concernant l’obésité: http://www.radio-canada.ca/emissions/l_epicerie/2010-2011/Reportage.asp?idDoc=121648

Déterminants socio-économiques de l’obésité

L’obésité et les mauvais choix alimentaires sont inversement liés au statut socio-économique et à la scolarité. D’ailleurs, dans les quartiers plus pauvres, on retrouve principalement des dépanneurs, alors que dans les endroits mieux nantis, les épiceries prédominent (voir Les dépanneurs: source d’obésité?). De plus, les choix alimentaires des personnes sont souvent effectués en fonction de leur budget. Quand le budget est limité, il est rare que le brocoli ou le thé vert soient les premiers choix. On opte pour des aliments moins chers qui bourrent plus.

Même si l’information sur l’alimentation est omniprésente, les choix sont manipulés par un marketing agressif. Saviez-vous qu’aux États-Unis, pour 9 millions investis dans la promotion de la santé, 12 milliards sont investis dans le marketing industriel? Au Québec, le ratio tourne autour de 1$ pour 500$. Il n’est donc pas surprenant que le panier d’épicerie soit généralement rempli de mauvais choix alimentaires… mais qui ont bonne allure et bon goût!

Génétique de l’obésité

Depuis un certain temps déjà, on parle d’obésité génétique. Des gènes associés à certains types d’obésité ont effectivement été découverts, mais on a aussi trouvé que des comportements peuvent agir comme déclencheurs de ces gènes. C’est, entre autres, le domaine de la nutrigénomique qui étudie l’influence des pratiques alimentaires sur les réponses des gènes.(3) Ainsi:

  • 50 à 80% du risque serait explicable par des facteurs génétiques;
  • le risque augmente dans des conditions obésogènes: grand accès à une nourriture de haute densité calorique (néfaste food) et sédentarité.
  • le risque diminue à 25% dans un contexte d’activité physique soutenue.

Les gènes qui prédisposent à l’obésité sont donc activés par un environnement obésogène.

Un comportement alimentaire héréditaire?

Selon l’un des chercheurs, certains gènes prédisposeraient à développer des compulsions alimentaires. On parle ici de nutrigénétique, c’est-à-dire de l’influence des gènes sur les pratiques alimentaires.(3) Au contact de certains genres d’aliments, la personne porteuse d’un gène de ce type deviendrait presque incapable de s’en passer.

De même, la réponse à une chirurgie bariatrique (réduction chirurgicale de la taille de l’estomac) ou à un régime hypocalorique serait aussi variable selon les gènes. Pour le même effort, certains maigrissent plus que d’autres, et certains maintiennent le poids perdu plus facilement que d’autres.

Faut-il déclarer forfait?

«C’est génétique, je n’y peux rien!» Rien de plus faux. Bien sûr, on ne peut pas modifier ses gènes. Mais certains facteurs interagissent avec les gènes pour moduler le risque. Outre l’âge et le sexe auxquels on ne peut rien changer, l’activité physique et la diète (eh oui, encore!) ont un effet direct sur les gènes!

Quoi faire ?

D’un point de vue de société

Il est grand temps d’agir! Le Québec a commencé, dans les garderies, par exemple, et c’est certainement en partie grâce à Lyne Mongeau, nutritionniste et coordonnatrice du Plan d’action gouvernemental de promotion de saines habitudes de vie et de prévention des problèmes reliés au poids pour 2006-2012 au sein du ministère de la Santé et des Services sociaux. Mais il faut avouer que ça n’est pas suffisant. On doit passer à des gestes plus coercitifs et contraignants pour, entre autres, réduire l’accès au néfaste food et augmenter l’accès aux aliments santé.

Taxer les boissons sucrées? Bonne idée. Ces boissons représentent près de 25% des calories absorbées, sans nourrir le corps d’aucune façon.

Subventionner les petits producteurs locaux de légumes, de fruits et de viande bien élevée? Autre bonne idée. Où prendra-t-on l’argent? Il suffit de réduire les subventions à la production du maïs et d’utiliser l’argent de la taxe sur les boissons sucrées 😉 Si nos gouvernements mettaient la santé en priorité, les résultats ne se feraient pas attendre longtemps (voir aussi La vraie cause de l’épidémie d’obésité). Mais la question se pose: devant la puissance de l’argent et des lobbys, les gouvernements auront-ils la force et la volonté politique de poser les bons gestes?

D’un point de vue individuel

  • Manger des aliments sains, pas de préfabriqués
  • Consommer suffisamment d’omégas-3 (poissons et/ou suppléments)
  • Lire les étiquettes
  • Cuisiner
  • Modifier ses habitudes de vie.
  • Bouger plus, tous les jours… peu importe le type d’activité.

On sait que la restriction alimentaire peut rallonger la vie (voir Âge et anti-âge). L’obésité, quant à elle, ampute l’espérance de vie d’un minimum de 9 ans…

Références:

  1. Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Television and video viewing time among children aged 2 years – Oregon, 2006-2007. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2010 Jul 16;59(27):837-41. PubMed PMID: 20631672.
  2. Erik Landhuis C, Poulton R, Welch D, Hancox RJ. Programming obesity and poor fitness: the long-term impact of childhood television. Obesity (Silver Spring). 2008 Jun;16(6):1457-9. Epub 2008 Mar 27. PubMed PMID: 18369346.->

10 commentaires

  1. Bonjour Jean Yves et Véronique
    Merci à vous pour le rétablissement d’INITIA.
    Véronique,j’aimerais en savoir plus sur le microbiote intestinal. Pouvez vous me donner des liens sur ce microbiote afin d’éclairer ma lanterne.
    J’ai 55 ans et depuis ma naissance j’ai des soucis de flore intestinale, constipation importante chronique et prise de poids régulière.
    Merci pour vos réponses

  2. Bonjour Jean Yves
    J’aimerais en savoir plus sur le microbiote intestinal et les articles de Véronique ou même sur le symposium international sur les probiotiques à Montréal (car il me semble être très concerné) mais je tombe sur ceci
    « Welcome to initia.org » ou agence immobilière initia ???
    Merci de m’aider
    Lydie

    1. Bonjour Panthère de Chine,
      Initia.ca n’est pas une agence immobilière, mais plutôt une association de compagnies alimentaires et d’instituts de recherche comme l’INAF. Le symposium sur les probiotiques de Montréal a lieu tous les 2 ans et regroupe des chercheurs et des intervenants de partout.
      Santé!

      1. Bonjour Panthère de Chine et M. Dionne,

        Je remercie M.Dionne d’avoir rétabli les faits! Nous avons eu un problème de site web au cours du week-end.

        Pour ce qui est des probiotiques, 2 évènements auront lieu sur le sujet. Le 25 septembre prochain, dans le cadre du symposium international Bénéfiq (http://www.benefiq.ca/index2.php/) à Québec, une session spéciale sera dédiée aux probiotiques.
        Pour le grand événement entièrement consacré aux probiotiques, il faudra attendre à l’automne 2013. Le comité scientifique est déjà à la tâche et Denis Roy (professeur à l’université Laval et détenteur de la chaire du canada sur les probiotiques (Chaire de recherche du Canada en biotechnologies des cultures lactiques d’intérêt laitier et probiotique)) nous a déjà soumis les noms de conférenciers de prestige! À suivre!

  3. Bonjour Jean-Yves,
    j’ai très apprécié votre présentation au Colloque de l’ANAQ et j’aimerais recevoir le document word.
    Aussi, ai-je bien compris que les antidépresseurs ne sont que de la foutaises? ils n’ont pas d’effets médicamenteux véritables???
    Merci!!

    1. Bonjour Nathalie,
      Des chercheurs se sont penchés sur les antidépresseurs. Ils ont réussi à obtenir toutes les études négatives qui n’avaient pas été publiées par les compagnies. Par exemple : Eyding D, Lelgemann M, Grouven U, Härter M, Kromp M, Kaiser T, Kerekes MF, Gerken M, Wieseler B. Reboxetine for acute treatment of major depression:
      systematic review and meta-analysis of published and unpublished placebo and selective serotonin reuptake inhibitor controlled trials
      . BMJ. 2010 Oct 12;341:c4737. doi: 10.1136/bmj.c4737. Review. PubMed PMID: 20940209.
      Il est évident que cet exemple ne peut pas s’appliquer partout, mais il soulève un doute quant à la transparence des compagnies dans leur documentation. L’exemple du VIOXX nous revient facilement en tête.
      Donc, les antidépresseurs au sens large ne sont pas de la foutaise, mais ils devraient être limités aux cas sérieux et non prescrits à toutes les sauces, comme c’est le cas. Les approches plus sécuritaires et plus globales devraient être priviligiées en premier lieu.
      Santé!

  4. Un acteur insoupçonné pourrait avoir un impact sur l’obésité: le microbiote intestinal (flore intestinale). Les recherches sur le sujet n’en sont qu’à leurs débuts. L’article des Dr Cani et Delzenne dans la revue Current Opinion in Pharmacology met en lumière des hypothèses à ce sujet.

    Interplay between obesity and associated metabolic disorders: new insights into the gut microbiota

    http://www.sciencedirect.com/science?_ob=ArticleURL&_udi=B6W7F-4WTP931-1&_user=10&_coverDate=12%2F31%2F2009&_rdoc=1&_fmt=high&_orig=search&_origin=search&_sort=d&_docanchor=&view=c&_acct=C000050221&_version=1&_urlVersion=0&_userid=10&md5=bf2fe9b2e221aa19448d290e6f373ab5&searchtype=a

    1. Bonjour Véronique,
      Merci pour votre ajout. Il est tout à fait vrai que les probiotiques ont un avenir intéressant dans la prévention et peut-être dans le traitement de l’obésité. Dr Delzenne était au symposium International sur les Probiotiques à Montréal où elle était la présidente d’honneur. Elle a fait une présentation magistrale sur l’avenir des probiotiques et des prébiotiques. Un événement qui fera l’objet d’une chronique à Radio-Canada ce mercredi et, évidemment, ici sur mon blogue, le lendemain.
      Santé!

  5. Allo M. Dionne

    Y a-t-il des articles qui existent pour les gens qui vont très souvent au restaurant et qui prétendent qu’on peut bien se nourrir dans les restaurants quant on sait que ceux-ci se servent abondamment d’additifs de toutes sortes. Bien sur il y a Commensal, mais même là l’apport en sodium dans leurs aliments congelés est très élevé. Je pense personnellement qu’aller au restaurant plusieurs fois par semaine augmente les risques d’obésité, ne serait-ce que la fameuse sauce sur la salade César qu’on pense bonne pour la santé !
    merci de nous envoyer de si intéressants articles qui plus est sont variés.
    hélène

    1. Bonjour Hélène,
      Que c’est vrai. Par contre, il y a une façon de survivre aux restaurants. Il faut une bonne dose de volonté, une bonne quantité de connaissances culinaires et une pincée de discernement pour choisir les plats bons pour la santé et éviter les moins bons… qui souvent sont les meilleurs 🙂
      Santé!

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