• Recherche

Avez-vous remarqué que, ici comme dans plusieurs autres pays, la mode est aux tests? Des personnes en bonne santé, n’ayant pas ou peu de signes, symptômes ou facteurs de risques de maladies, se font prescrire des tests très onéreux comme l’imagerie cardiovasculaire.

Vous vous posez peut-être les mêmes questions que moi: Ces tests très précoces sont-ils pertinents? Améliorent-ils le traitement? Préviennent-ils des complications ou le développement de maladies plus sévères? Certains chercheurs et certaines autorités se sont penchés sur ces questions.

Les pour

Personne ne remet en cause l’utilité des tests en prévention secondaire, lorsque la maladie cardiovasculaire est bien implantée. Les résultats permettent alors de modifier le traitement pour le rendre plus efficace, ou encore de planifier une chirurgie.

Certains ont donc étendu cette réalité à la prévention primaire en se disant que, si on détectait la présence d’une lésion encore plus tôt dans son développement, le traitement serait plus efficace et qu’il serait plus facile de motiver le patient à suivre le traitement ou à adopter des habitudes de vie plus saines.

Ces postulats se sont-ils avérés? Les coûts très importants de ces tests d’imagerie représentent-ils un réel investissement dans la santé des patients ou ne servent-ils qu’à faire grossir le budget des hôpitaux, et par conséquent, les profits des compagnies qui les fabriquent?

L’impact réel

Des chercheurs ont évalué la documentation qui sous-tend l’usage de ‘machinerie lourde’ en prévention primaire, donc chez des gens qui ne présentent pas de signes évidents de maladie cardiovasculaire.

Premier constat: très peu d’études s’attaquent à cette question. Ils n’en ont trouvé que sept.

À partir de ces études, ils ont analysé l’impact des tests de détection précoce sur le traitement des patients ou le changement des habitudes de vie. On le sait, les habitudes de vie sont responsables à plus de 50% des maladies cardiovasculaires.

Second constat: les tests n’ont pas d’impact mesurable, ni sur la prise de médication en général (agents hypolipidémiants [statines ou autres], antihypertenseurs, antiplaquettaires), ni sur les habitudes alimentaires ou l’activité physique.(1)

Dans un éditorial, PG O’Malley s’indigne devant cette surutilisation des tests d’imagerie, et surtout contre le manque de données probantes supportant leur usage. Il explique que cette mode se répand principalement grâce au support de «spécialistes» qui sanctionnent l’usage de ces outils et aux efforts de marketing des compagnies qui les vendent.(2)

Sommes-nous en train de dévaluer le rôle du médecin au profit d’outils prétendument objectifs, d’en faire un simple prescripteur et analyste de tests? L’usage étendu de ces tests a non seulement un impact sur les coûts de santé, mais il nie le jugement clinique du professionnel. Les ressources et l’argent dépensés pour l’usage préventif de ces tests seraient certainement mieux investis ailleurs. Peut-être pour former plus de médecins?

Références:

1. Hackam DG, Shojania KG, Spence JD, et al. Influence of Noninvasive Cardiovascular Imaging in Primary Prevention: Systematic Review and Meta-analysis of Randomized Trials. Arch Intern Med. 2011; 171:977-982.

2. O’Malley PG. The Proof of Atherosclerosis Imaging Is in the Evidence: Where Are the Studies? Arch Intern Med. 2011; 171:976

Photo: Raziel (Wikipédia)

4 commentaires

  1. je me pose la même question, après avoir fait un lavement baryté, culture de selles, tout est normal mais mon méd me suggère de voir un gastro et passer une colonoscopie pcq mon gr’père est décédé d’un cancer du rectum, personnellement, je ne me souviens pas que ma mère m’en ait parlé, alors prévention…. toujours ????
    disons que je suis tannée d’aller à l’hôpital, il me semble que tous ces examens me font sentir une ‘malade en devenir’…..

    au plaisir Jean-Yves

  2. Bonjours Jean-Yves,

    Très intéressant billet. Il est primordial que des études soient faites sur la pertinence d’utiliser de tels outils de dépistages. Si ces études ne parviennent pas à démontrer que les coûts engendrés sont moindre qu’en leur absence ou si elles ne démontrent pas sans équivoque que des vies sont véritablement sauvées, il faut absolument que les argents soient investit ailleurs ou ils auront un meilleur impact sur la santé collective. De plus en plus, il y aura des compressions en santé et de là, la nécessité d’être judicieux au niveau des actions posées.

  3. cette pratique fait en sorte que ceux qui ont vraiment besoin de rencontrer des spécialistes ou de passer des tests pour leur condition médicale ont beaucoup de problème en ce moment surtout en gastro avec tous ces dépistage de cancer colorectale…et ceux qui souffrent entre autre de la maladie de Crohn doivent attendre des mois pour voir leur médecin et même passer des tests importants pour eux.

  4. Sujet très actuel Jean-Yves et excellent point de vue comme toujours. Une nuance intéressante entre la prévention primaire et secondaire.

    À noter également le stress que peuvent causer certains tests sur l’état initial d’une personne plus sensible…

    Cette forme de prévention dispendieuse n’a effectivement rien changé face aux habitudes de vie. On masque encore en surface …

    Merci

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée.

*

Pour vous, je garde un pied dans la science et l’autre dans le gros bon sens.