Suite à mon dernier article, La fin des probiotiques… Vraiment?, quelques lecteurs m’ont posé des questions sur les probiotiques comme cause possible de l’obésité. J’avais vu le courriel qui est propagé depuis quelques années à ce sujet et je crois qu’il est temps de remettre les pendules à l’heure. Dans ce courriel, on affirme que les produits Danone (Actimel et Activa en Europe; Danactive et Activia au Canada) seraient responsables de l’épidémie d’obésité!
C’est absolument faux.(1) Ce courriel est de la désinformation pure et simple, et voici pourquoi.
Le Canard Enchaîné
Tout commence par un article d’un magazine satirique français, Le Canard Enchainé, daté du 17 août 2009.(2) On peut y lire le paragraphe suivant:
«Et Didier Raoult de rappeler cette étude plutôt flippante. En début d’année, des chercheurs ont comparé la flore intestinale des obèses et des non-obèses. Et là, surprise, les premiers étaient bourrés de probiotiques, ceux qu’on trouve justement dans les yaourts “santé”. “On a autorisé pour l’alimentation humaine des activateurs de croissance utilisés dans les élevages, sans chercher à savoir quel serait l’effet sur les enfants”, s’étonne le professeur.»
Sur quoi s’appuient ces doutes?
Il est vrai que, dans un éditorial de la revue Nature Review Microbiology (3), Didier Raoult, chercheur de l’Institut de recherche pour le développement à Marseille, exprime des doutes et questions quant à l’innocuité des probiotiques. Il fait un parallèle entre plusieurs données.
1- Des chercheurs ont constaté que la flore bactérienne intestinale des obèses est différente de celle des personnes minces.(4) L’intestin des obèses est colonisé par une moins grande variété de familles de bactéries. Leur flore est donc plus homogène que celle des minces. De plus, les ratios des deux grandes classes (ou deux grands phylums) de bactéries sont changés. La classe des Firmicutes est plus présente alors que l’autre, celle des Bacterioidetes, est réduite proportionnellement. La classe des firmicutes comprend entre autres les lactobacilles et bifidobactéries, qui sont les principales familles de bactéries probiotiques retrouvées dans les yogourts.
2- Dans la production animale, on utilise de plus en plus de bactéries probiotiques dans la moulée. L’ajout de ces bactéries permet d’éliminer l’usage des antibiotiques comme agent de croissance. En effet, depuis très longtemps, on ajoute des antibiotiques à la moulée pour stimuler la croissance des animaux… ce qui a aussi pour effet de causer de la résistance bactérienne. Cette pratique, de plus en plus décriée, est graduellement remplacée par l’ajout de bactéries comme activateurs de croissance.
Tout ceci est vrai, mais…
1- Même si les bactéries de la classe des firmicutes sont plus présentes chez les obèses, aucun chercheur dans le monde n’a montré d’augmentation des bactéries de type probiotique (lactobacilles et bifidobactéries) dans la flore des obèses (contrairement à ce que dit Le Canard Enchaîné). D’ailleurs, des chercheurs ont trouvé au contraire que les lactobacilles et les bifidobactéries sont réduits chez les obèses.(5) L’augmentation des firmicutes serait donc due à l’accroissement de familles de bactéries autres que celles contenues dans les yogourts.
2- Maintenant, mettez-vous à la place des producteurs animaux. Si les bactéries avaient pour effet d’augmenter la masse graisseuse, croyez-vous qu’ils les utiliseraient? Les producteurs ne veulent pas d’animaux gras puisque leur valeur marchande est moindre. Ils veulent des animaux qui grandissent vite et bien et qui ont une bonne masse musculaire. Donc, les bactéries utilisées sont des activateurs de croissance, mais pas des obésogènes!
3- Plusieurs chercheurs ont répondu aux interrogations du professeur Raoult.(6,7) Ils arrivent à la conclusion que non seulement aucune preuve n’existe pour soutenir ces doutes, mais aussi que des études montrent que lorsqu’on donne des prébiotiques (des fibres qui font augmenter la proportion de bifidobactéries dans l’intestin) à des obèses, ils maigrissent! (8) Dans Des probiotiques contre l’obésité? j’ai également déjà parlé d’une étude démontrant qu’un supplément de probiotiques (lactobacille et bifidobactérie) aidait des femmes à ne pas engraisser après un accouchement.
Cependant, comme le mentionne le Dr Raoult, les souches de probiotiques utilisées comme activateurs de croissance dans l’industrie agricole ne devraient pas être considérées comme sécuritaire chez l’humain tant que des études n’ont pas prouvé qu’elles n’avaient pas d’effets indésirables. Je pense qu’on devrait s’en tenir aux bactéries d’origine humaine.
Le vrai problème
Le problème des yogourts n’a pas trait à la ou aux bactéries qu’ils contiennent ou ne contiennent pas. C’est tout le reste qui pose problème: le sucre, la provenance douteuse de substances laitières modifiées, les agents texturants, les saveurs, les édulcorants, etc. Pour en rire un peu, je vous propose d’aller lire le blogue suivant: On patauge dans le yaourt du 03 avril 2006 sur www.facile.ch. Si vous êtes intéressé par les développements réels de la science sur la flore intestinale (microbiote) en relation avec le métabolisme et l’obésité, allez lire: The relationship between gut microbiota and weight gain in humans.(9)
Santé!
Références:
1. Probiotiques et obésité sur www.Hoaxbuster.com
2. http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article11412
3. Raoult D. Probiotics and obesity: a link? Nat Rev Microbiol. 2009 Sep;7(9):616. PubMed PMID: 21548178. (résumé non disponible)
4. Ley RE, Turnbaugh PJ, Klein S, Gordon JI. Microbial ecology: human gut microbes associated with obesity. Nature. 2006 Dec 21;444(7122):1022-3. PubMed PMID: 17183309.
5. Schwiertz A, Taras D, Schäfer K, Beijer S, Bos NA, Donus C, Hardt PD. Microbiota and SCFA in lean and overweight healthy subjects. Obesity (Silver Spring). 2010 Jan;18(1):190-5. Epub 2009 Jun 4. PubMed PMID: 19498350.
6. Ehrlich SD. Probiotics – little evidence for a link to obesity. Nat Rev Microbiol. 2009 Dec;7(12):901; author reply 901. PubMed PMID: 19915581.
7. Delzenne N, Reid G. No causal link between obesity and probiotics. Nat Rev Microbiol. 2009 Dec;7(12):901; author reply 901. PubMed PMID: 19915580.
8. Parnell JA, Reimer RA. Weight loss during oligofructose supplementation is associated with decreased ghrelin and increased peptide YY in overweight and obese adults. Am J Clin Nutr. 2009 Jun;89(6):1751-9. Epub 2009 Apr 22. PubMed PMID: 19386741. (texte complet disponible gratuitement)
9. Angelakis E, Armougom F, Million M, Raoult D. The relationship between gut microbiota and weight gain in humans. Future Microbiol. 2012 Jan;7(1):91-109. PubMed PMID: 22191449. (texte complet disponible gratuitement)
Bonjour Jean-Yves
Je vous remercie d’avoir écrit un article sur le sujet. Le contenu est excellent et permet aux lecteurs d’obtenir une information basée sur des données scientifiques reconnues.
Bravo!
bonjours j y . ayant eu un parcours de réapprentissage de mon alimentation ( car problème avec cholestérol) j ai perdu 8 kl .
j ai supprime les yaourts de mon alimentation ( ou très peu actuellement , genre brousse de chèvre 🙂 direct producteur)
mais j ai ajoute un complément alimentaire : 1 gélule de probiotique : par jour ( sur vos conseil , article probiotique ) et personnellement aucune prise de poids et je suis entièrement d accore sur la fin du sujet ( Le vrai problème ) .
au plaisirs de vous lire
Dans le troisième paragraphe de Tout ceci est vrai il y a le mot prébiotique.Est ce une erreur?
bonjour,
Beaucoup d’experts , de professionnels mettent en doute la nécessité des probiotiques ou prébiotiques.
Mais, de plus en plus de probiotiques ne sont pas de yogourt.
Est ce l’avenir ?
Merci pour ces renseignements, très rassurant.
Par hasard auj. j’ai entendu un dr ? sur « bran rice oil » jamais entendu ni vu….
Bonne soirée et je continuerai à manger une barre tendre de temps en temps lorsque utile, entendu auj. radio….
Bye
Bonjour JY,
Il faut croire que le sujet déclenche beaucoup de réactions à voir les commentaires de tes deux derniers billets. Pour ma part je crois qu’il y avait beaucoup de bonnes bactéries dans l’alimentation humaine il y a quelques dizaines d’années et que l’hygiènisme et toutes les formes de conservateurs modernes (antibiotiques, chlore et autres agents de conservations)nous privent d’un apport quotidien ou du moins régulier de bactéries lactiques dans notre alimentation (bien sûr il y a aussi moins d’infections pathogènes). Je crois par contre fermement et pour l’avoir constaté cliniquement que de prendre régulièrement un supplément de probiotiques de souche humaine permet de prévenir beaucoup de problèmes de santé. Il est vrai qu’il n’y pas encore d’études humaines avec de grands groupes et pour le moment ce n’est que de l’anecdotique mais avec aussi peu de risques et autant de bons commentaires des utilisateurs, pourquoi s’abstenir. Il est facile d’évoquer le manque d’études pour ne pas agir mais quelques fois le gros bon sens et les traditions devraient suffirent.
Je me demande si c’est bien de donner un probiotique à un enfant de 12 mois. Qu’en pensez-vous ?
Bonjour Denise
Santé Canada est assez frileux pour les enfants de moins de 2 ans. Par contre, il y a des probiotiques approuvés chez les enfants de 1 ans (notamment Biogaia) et il n’y a pas d’argument de danger pour proscrire l’usage. Simplement, la majorité des produits n’ont pas d’étude faite chez ce groupe d’âge pour avoir l’indication de Santé Canada.
Santé!
merci de mettre les pendules à l’heure.
Bonsoir JYD,
Merci pour vos lumières. Effectivement, uniquement considérer de prendre des probiotiques lorsque nécessaire.
Santé,
Merci JY pour ce texte très bien écrit. Vous remettez les pendules à l’heure. Cette histoire est une autre preuve que, très souvent, certains groupes ne font pas la part des choses et ne grattent pas très en profondeur avant de « vulgariser » des données scientifiques.
Cependant, le genre Bifidobacterium fait parti de l’embranchement (phylum) Actinobacteria et non Firmicutes. Didier Raoult lui-même à fait cette erreur dans son editorial publié dans Nature Reviews Microbiology. Mais ça ne change rien à toute l’histoire.
Avec les connaissances scientifiques actuelles, il est impossible d’affirmer que le genre lactobacillus sp. est responsable de l’obésité. On connait encore moins les espèces et encore mois l’impact des souches individuelles!
Je suis bien d’accord avec votre conclusion.
Bonjour Mathieu,
Merci pour la précision. C’est la preuve qu’on ne peut pas dire n’importe quoi…
C’est noté 🙂
Santé!