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MédicamentsAvez-vous remarqué qu’une «bonne nouvelle» à propos d’une découverte génétique ou en éprouvette est rarement suivie du développement du médicament ou du traitement annoncé?

Effectivement, la découverte d’une cible thérapeutique intéressante (comme le gène KATNAL1 dont il a été question dans l’article Une pilule contraceptive pour homme?) ne mène pas toujours au développement d’un traitement efficace parce que l’élaboration d’un médicament est longue, coûteuse et surtout très incertaine.

Il faut d’abord trouver (ou fabriquer) les molécules qui auront l’effet voulu sur ladite cible thérapeutique. Ensuite, lorsqu’une nouvelle molécule est synthétisée, elle doit subir une panoplie de tests avant de pouvoir être reconnue comme médicament. Ces tests ont pour but de confirmer l’effet recherché sur la cible voulue et de découvrir les caractéristiques chimiques, les réactivités biologiques, les vertus thérapeutiques ainsi que les effets néfastes possibles de cette molécule. Ils comprennent plusieurs analyses pré-cliniques en laboratoire, puis sur des animaux.

Ensuite, on procède aux essais cliniques chez des humains en santé et, en tout dernier lieu, aux essais thérapeutiques chez des patients.

Études pré-cliniques

Dans un premier temps, les produits sont soumis à une batterie de tests in vitro en laboratoire pour vérifier leur potentiel thérapeutique ainsi que certains aspects toxiques. On évalue ainsi plusieurs paramètres (comme la rapidité d’action, la force de liaison et la spécificité aux récepteurs) en utilisant des cultures cellulaires, des cellules fraîchement isolées ou des organes. Récemment, certaines compagnies ont commencé à utiliser des robots et des modèles protéiques (copies des récepteurs conçues par génie génétique) pour faire les premières évaluations des molécules synthétisées.

Les produits ayant le meilleur potentiel thérapeutique sont ensuite testés sur des animaux. Ces études pré-cliniques visent bien sûr à évaluer l’efficacité, mais aussi la toxicité du produit étudié chez des modèles animaux sains.

La première série de tests pré-cliniques chez les animaux vise à évaluer la toxicité aiguë du produit. Celle-ci est déterminée par la dose létale moyenne (DL50) qui correspond à la dose qui est mortelle pour 50% des animaux testés. Par exemple, la DL50 de l’acétaminophène (Tylenol®) est de 150mg/kg. Pour évaluer la DL50, on utilise trois espèces animales dont au moins une n’est pas un rongeur. Ce test requiert également l’utilisation de plus d’une voie d’administration (orale, topique, intraveineuse, etc.).

Les études visant à évaluer la toxicité sub-chronique utilisent deux espèces animales dont l’une n’est pas un rongeur. Le produit à tester est administré aux animaux quotidiennement pendant 90 jours en utilisant trois différentes doses (variant de la dose minimale requise pour un effet thérapeutique jusqu’à un niveau suffisant pour induire une toxicité). Les animaux sont ensuite sacrifiés pour déterminer les organes touchés par la toxicité de la substance active. D’autres animaux subissent le même protocole pendant toute leur vie afin d’évaluer les risques de toxicité chronique, tel un potentiel cancérigène.

Les effets potentiels sur le fœtus (effet tératogène ; qui crée une malformation du foetus) sont généralement évalués en utilisant des rats et des lapins. On administre alors la substance à des animaux en période de gestation et on vérifie à la fois l’effet du médicament sur la grossesse et sur le fœtus à la naissance.

Pour tester le potentiel mutagène (qui crée une mutation de l’ADN) d’une molécule (comme un pesticide ou une substance toxique) on utilise des bactéries comme des salmonelles parce que leur vitesse de croissance permet d’étudier les effets du produit sur plusieurs générations en une seule journée (1 génération de bactéries = 20 minutes).

Études cliniques

Avant de pouvoir entreprendre les essais cliniques, toutes les études précliniques de chaque médicament potentiel doivent être approuvées par Santé Canada.

Les études cliniques sont divisées en quatre phases et permettent de délimiter les paramètres spécifiques aux humains de même que de déceler plusieurs effets néfastes tels nausée, maux de tête, brûlements d’estomac, dépression, etc. De tels effets secondaires se retrouvent dans plus de 50% des cas.

Phase I: Quelques volontaires en bonne santé reçoivent une seule dose du produit à tester afin d’évaluer un dosage de tolérance sécuritaire. Les volontaires sont suivis de très près et différents paramètres sont contrôlés. On évalue ainsi la toxicité (si présente), les effets néfastes, l’absorption, le métabolisme et l’excrétion du produit testé.

Phase II: Le médicament potentiel est testé à des fins thérapeutiques (ou prophylactiques) chez un nombre restreint de patients. Le nouveau médicament est comparé aux autres traitements connus. Il s’agit de l’étape cruciale où le médicament est testé pour son efficacité chez l’humain. Il s’agit également de la première opportunité d’observer les effets d’une administration à plus long terme chez des humains.

Phase III (pré-commerciale): Le médicament, ayant eu des résultats satisfaisants dans les deux phases précédentes, est ensuite testé contre placébo sur une plus grande échelle (>1500 patients), jusqu’à ce qu’il y ait suffisamment de résultats justifiant sa mise en marché.

Phase IV (post mise en marché): Une fois le nouveau médicament mis en marché, des rapports sur les essais cliniques sont exigés tous les trois mois pendant la première année, tous les six mois au cours de la deuxième année et ensuite à chaque année. Ceci permet, d’une part, de déceler des effets néfastes rares (< 1/10 000) et procure, d’autre part, un suivi à long terme pour les problèmes de toxicité chronique potentielle n’ayant pas été détectés auparavant.

1 produit sur 10 000

La loi régie par Santé-Canada prévoit que, pour qu’un médicament soit approuvé pour une utilisation clinique, il doit obligatoirement avoir réussi avec succès la série d’analyses précliniques de même que chacune des trois premières phases cliniques. Ce processus, au bout duquel un seul produit sur 10 000 est sélectionné, s’étale sur environ sept à dix ans, du tri initial in vitro jusqu’au début de la mise en marché. C’est un processus rigoureux qui sert à vérifier l’efficacité de chaque médicament tout en tentant de réduire au minimum les risques d’effets secondaires néfastes. Toutefois, ce processus n’est pas infaillible. Il n’y a qu’à se souvenir des malformations engendrées par la consommation de thalidomide (au début des années 60), de la psychose engendrée par le triazolam (Halcion®), de l’hypertension pulmonaire causée par le dexfenfluramine (Redux®), ou encore de la toxicité cardiaque de Vioxx®.

Vous comprenez maintenant pourquoi, lorsqu’on vous annonce une découverte prometteuse, le médicament souhaité n’est pas toujours au rendez-vous, même 10 ans plus tard.

3 commentaires

  1. Bonjour Jean-Yves je suis heureuse de m’inscrire à ce site car je prêche pour la prévention des maladies et les médecines alternatives auprès des miens, ce qui donne de bons résultats.En février dernier on m’a enlevé 4 tumeurs cancéreuses au sein droit et la chirurgienne m’a dit qu’elle aurait enlevé tout le sein si elle avait su que je refuserais la radio et l’arimidex. Mais bon dieu avez-vous vu les effets secondaires de tout ça ? j’ai été infirmière et je disais toujours au dr. avec je travaillais vers la fin de mon mendat que l’avenir de la santé était dans la prévention comme vous-même l’affirmer.Le cancer dont j’ai été opérée en est un de surplus d’estrogènes et jamais je n’ai su qu’on pouvait manger autant de cette hormone sur tous les aliments qu’on achète au magasin. Merci de venir en aide à tous ceux et celles qui ne veulent pas mettre leur santé en danger avec les médicaments qu’on nous offre dans des moments ou on est le plus vulnérable, soit quand on se retrouve avec une maladie.

  2. Bonjour Jean-Yves,

    Merci de cette explication détaillé…mais…

    Il y a plusieurs problèmes au protocole de développement d’un médicament :

    1. La majorité sont vérifiés par les compagnies qui les fabriquent puisque, supposément, Santé Canada n’a pas ni le personnel qualifié ni les ressources pour le faire : on demande au loup de montrer patte blanche… le renard de surveiller le poulailler?

    2. Les cobayes de l’étape 1 sont des hommes, blancs, jeunes, six pieds et de 200 livres (SAM)… oups! On oublie le fœtus, la femme enceinte, enfants, vieillards et les hommes de petite taille…oupala!

    3. Plusieurs « médicaments » sont approuvés rapidement et malgré les effets néfastes fatales; je pense à Prozac, à des tricycliques…

    4. Si un groupe scientifique le dit que c’est correct, les médecins suivent comme des moutons :

    a. tricycliques pour la dépression chez l’adulte : dose maximum 5 mg/Kg,
    b. Tricycliques pour TDAH chez l’enfant : 250mg/Kg* Mais la clinique de pédiatre de Harvard le recommande ainsi, donc doit être correct…

    5. Une fois la drogue approuvée, le médecin peut la prescrire pour d’autres raisons que celles approuvés…

    6. Les médecins ne lisent pas beaucoup : depuis les années 90 Abbott ne recommande plus Cylert pour TADH comme première drogue due à des morts subites, particulièrement chez les enfants pubères…pourtant plusieurs enfants dans nos écoles secondaires l’utilisent …

    À mon avis, s’il faut prendre un « médicament », vaut mieux le faire comme dernier recours et pour peu de temps; trouver la cause du problème pour ne plus avoir besoin de se médicamenter.

    Comme disait ma belle-mère, vaut mieux être riche et en santé que pauvre et malade…:)

    Elle disait aussi que la meilleure pilule pour la contraception était celle retenue entre les genoux…:)

    Mais, il ne faut pas désespérer, nous sommes en train de régler le problème de la reproduction masculine : les bisphénols, les pesticides et les OGM sont en train d’accélérer de façon permanente l’incapacité masculine de laisser sa marque pour la postérité 🙁

    Référence :

    * Running on Ritalin par Lawrence H Diller – chapitre sur les options médicamenteuses autre que le Ritalin.
    http://en.wikipedia.org/wiki/Human_subject_research

    1. Bonjour Maria,
      Sur bien des points, je suis d’accord avec vous. Il est vrai que des histoires d’horreur existent et que le moteur principal de tout ça est le profit. Plus les parts de marché sont grandes et plus l’indication est fréquente, plus la compagnie engrange des profits… quelques fois faramineux.
      Par contre, malgré l’hommerie présente quand il y a des hommes, je reste tout de même persuadé que l’industrie a des bons points. Mais mon scepticisme demeure… d’où ce site 🙂
      Santé!

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