En 2002, durant le marathon de Boston, une athlète s’est effondrée et est décédée d’une encéphalopathie hyponatrémique. En bon français, cela veut dire que cette athlète avait trop bu (de boissons sportives), diluant ainsi son sodium sanguin, et que cela a causé une enflure fatale du cerveau.
Pourtant, on nous enseigne qu’il faut boire beaucoup tous les jours, que nous ne nous hydratons pas assez. Mais est-il possible que ces conseils soient incorrects? Est-il possible de boire trop?
Avec l’ouverture des jeux olympiques de Londres, aujourd’hui, nous allons être bombardés de publicités nous enjoignant de consommer tel ou tel produit, aliment ou … boisson pour sportif. Quelle est la part de vérité dans les annonces de boissons pour sportifs? Ces produits sont-ils utiles pour tous, uniquement pour des athlètes de très haut niveau, ou pour personne? Essaie-t-on seulement de nous leurrer avec des arguments commerciaux pour nous vendre un produit?
L’hydratation sportive dans le temps
Timothy David Noakes, de l’Université de Cape Town en Afrique du Sud, écrit dès 2003 un article fort intéressant sur la réalité des besoins en hydratation et sur l’histoire des changements de perception de ces besoins. On y apprend que, depuis l’antiquité jusqu’à la fin des années 1960, on ne recommandait pas aux athlètes de boire avant la performance parce que, croyait-on, boire pouvait nuire à la performance.
Ensuite, les lignes directrices au sujet de l’hydratation sportive se sont basées sur quatre postulats:
1- que le poids perdu durant une compétition doit être remplacé pour maintenir la santé et optimiser la performance, parce que le plus grand danger durant la performance de longue durée sous la chaleur est la déshydratation;
2- que la sensation de soif pendant l’activité sous-évalue la quantité de fluides nécessaires pour maintenir l’hydratation;
3- que les besoins en fluides des différents athlètes sont similaires, ce qui permet d’établir des lignes directrices générales;
4- que de grandes quantités de liquide ne peuvent pas causer de tort.
On conseillait donc aux athlètes de boire, durant l’effort, de 600ml à 1200ml par heure.
Aucune de ces affirmations n’est rigoureusement basée sur la science. D’ailleurs, depuis l’instauration de ces lignes directrices un peu partout dans le monde, on a rapporté 7 décès et plus de 250 cas d’hyponatrémies sévères secondaires à l’hyperhydratation.(1)
Les nouvelles lignes directrices recommandent de se baser sur la sensation de soif. La quantité suggérée varie maintenant entre 400ml et 800ml par heure selon l’intensité, la durée et l’ampleur de la transpiration.(2)
D’ailleurs, selon Dr Noakes, la déshydratation ne cause pas souvent de problème aux athlètes. Il est beaucoup plus fréquent d’observer des chutes de tension (hypotension) associées à l’exercice et à la chaleur. Dans ces cas, le remède le plus simple est de s’assoir et de pencher la tête entre les genoux jusqu’à ce qu’on se sente mieux.(3)
D’où vient cet engouement pour l’hydratation?
Deborah Cohen présente à ce sujet un dossier bien ficelé dans la dernière édition du British Medical Journal.(4) Elle mentionne que les géants des boissons, notamment Coca-Cola (Powerade) et Glaxo Smith Kline (Lucozade, moins connu ici), sont des partenaires majeurs des Olympiques de Londres (et, nous le savons, de nombreux autres évènements sportifs). Mais ce n’est pas tout, ces géants utilisent plusieurs autres stratégies éthiquement douteuses pour promouvoir leurs produits sous le couvert d’une science plutôt approximative. Par exemple:
- des sites Internet qui vantent l’importance de l’hydratation dans les sports de performance;
- des publicités aux allures d’articles scientifiques, placées dans les journaux scientifiques;
- des bourses, des cadeaux ou des subventions à des organisations de médecine sportive ou à des établissements universitaires pour étudier l’hydratation;
- des articles scientifiques écrits par des chercheurs rémunérés par ces compagnies, sans aucune déclaration financière ou de conflit d’intérêts,
- des congrès entièrement subventionnés;
- etc.
Ces stratégies sont les mêmes que celles qui sont utilisées par les compagnies pharmaceutiques et alimentaires pour obtenir et maintenir leur notoriété et créer de nouveaux besoins.
Voilà bien pourquoi les boissons pour sportifs sont si nombreuses. Les producteurs ont réussi à convaincre la population, les athlètes et les entraîneurs que ces produits leur sont nécessaires dès qu’ils transpirent un peu. En réalité, ils sont utiles aux athlètes qui participent à un marathon ou un Ironman, mais pas en trop grande quantité.
Mme Cohen termine son article avec un conseil de Dr Noakes pour le coureur occasionnel qui consomme des boissons pour sportifs: «Évitez ces boissons, vous serez plus mince et courrez plus vite!»
Pour en savoir plus sur les boissons pour sportifs, lisez: Sportifs: c’est à boire qu’il vous faut!
Références:
1- Noakes TD. Overconsumption of fluids by athletes. BMJ. 2003 Jul 19;327(7407):113-4. PubMed PMID: 12869424; PubMed Central PMCID: PMC1126493.
2- Noakes T, Martin DE. IMMDA-AIMS Advisory statement on guidelines for fluid replacement during marathon running. New Stud Athletics 2002;17:15-24. www.usatf.org/coaches/library
3- Bankhead C. Too Much Water Bigger Threat Than Too Little. MedPage Today, 18 juillet 2012.
4- Cohen D. Sports Drinks The truth about sports drinks. BMJ 2012;345:e4737 doi: 10.1136/bmj.e4737 (19 July 2012)
Photo: Jeff Taylor
j’aimerais savoir ce que vous pensez des comprimes de collagène pour les personnes qui souffrent d’arthrose ou de sécheresse de la peau, Y a t il contre indication ?
Bonjour Micheline,
Le collagène oral, en comprimé, capsule, poudre ou même liquide, est utile pour soulager les articulations et raffermir la peau. Par contre, les doses doivent être là. Les comprimés sur le marché varient de 400 mg à 700 mg par dose. La dose quotidienne devrait être d’au moins 5 g par jour pour avoir un effet observable.
Bref, attention, tous les produits ne sont pas égaux.
Pour l’hydratation, le collagène n’est qu’un complément de traitement.
Santé!
Bof, ce n’est pas bien pire que les compagnies de cosmétiques qui ont convaincu les femmes qu’elles ont besoin de se peinturer et de s’enduire avec toutes sortes de produits pour être belle et « rester » jeune…
Je fais de l’entraînement physique, incluant la course, plusieurs fois par semaine, et je bois de l’eau. je suis au milieu de la quarantaine (ainsi que ma conjointe, qui ne se maquilles pas non plus) et on se fait souvent dire qu’on a l’air 10 ans plus jeunes.
Bonjour Marc,
Bravo. Le meilleur est dans l’application régulière de… vos habitudes de vie. 🙂
Continuez!
Santé!
Tout un dossier effectivement !
Probablement en réaction à ces questions soulevées par plusieurs, il est aussi intéressant de noter que la compagnie Gatorade semble avoir déjà adopté une nouvelle stratégie par rapport à ses produits. On peut en effet remarquer l’ajout de protéines dans sa plus récente ligne de produits « G series », même si l’argument scientifique pour le faire est au mieux prématuré pour le moment. On n’a pas fini de voir de nouvelles recettes de boissons sportives arriver sur le marché. Remarquez qu’en-dehors des Gatorade et Lucozade de ce monde, il y aussi toujours ces fameuses « modes » en matière de boissons sportives. L’eau de noix coco en est probablement l’exemple le plus récent… Quoique ce n’est peut-être pas le pire produit sur le marché non plus !
Je crois que l’un des gros problèmes avec les produits sportifs en général (ex.: boissons, suppléments, accessoires etc.) à l’heure actuelle, c’est le manque de spécificité dans les populations visés par de tels produits (ex.: athlètes vs. monsieurs-tout-le monde vs. « week-end warrior »). L’équation sport = santé que la majorité du public fait contribue aussi au problème; ce qui fait qu’un monsieur-tout-le consomme souvent ces produits en pensant en tirer les mêmes bénéfices que pour un athlètes et vice-versa. Pour faire un parallèle avec les produits thérapeutiques (ex.: médicaments), on ne peut pas promouvoir médicament donné comme pouvant « guérir-toutes-les-affaires-pour-tout-le monde ». Sinon ça serait une panacée, et une telle chose n’existe pas. Mais dans le domaine des boissons et suppléments sportifs, ce gros bon sens-là semble ne pas encore exister. Les produits sportifs ne sont pas tous pareils et les individus n’ont pas forcément tous les mêmes besoins.
Une des raisons derrière ce « laxisme » de la part des compagnies est que le public et les divers instances ne prennent pas encore ces produits-là assez au sérieux (ex.: « c’est juste des boissons ou des suppléments après tout »). La situation va commencer à s’améliorer quand on va exiger la même rigueur de démonstration scientifique avec les produits sportifs qu’avec les produits thérapeutiques, mais j’ignore toujours si on près de voir ça arriver…
Je vous laisse un extrait d’une émission d’affaires publique de la BBC qui traite exactement de la problématique soulevée dans ce post, cette émission est justement le fruit d’une collaboration entre la BBC et le British Medical Journal:
https://www.youtube.com/watch?v=k4e85ZnVjmU
Et que les Jeux commencent maintenant !!! 🙂
Passez un excellent week-end !
Merci Junior,
Excellent point. Entre la performance d’un athlète et celle de monsieur tout le monde (comme moi 🙂 ) il y a un monde. De toute façon, qui peut, dans la vraie vie, avec des responsabilités, une famille, un emploi, etc. se consacrer à un sport pour devenir un athlète ?
Je crois que nous devons dissocier activité physique (dans un but de santé et/ou de loisir) et performance (podium).
Santé!
C’est vraiment incroyable la force du Marketing parce que c’est vrai que tous le monde est rendu à penser qu’il est primordial de boire ces genres de boissons si on fait du sport. Et ce n’est tout simplement pas vrai. Donc, bien des gens dépensent pour acheter ces produits lorsqu’il serait bien mieux pour eux de simplement boire de la bonne eau pure.
Quand on voit des gros barils de GATORADE le long des lignes pendant des parties de football, on constate à quel point même les athlètes professionnels sont dans l’erreur. La quantité d’énergie totale dépensée pendant une joute de football est faible comparativement à des sports d’endurance comme le cyclisme par exemple. En plus, à la mi-temps, les joueurs pourraient à la limite consommer quelque chose pendant cette période. De penser qu’en plein match, consommer du GATORADE va faire une différence est totalement ridicule. Une telle boissons sucrée pourrait en fait nuire à la performance.
En plus de ce facteur, je crois que cela est aussi grandement dû à un paradigme de risque zéro, et donc la crainte du moindre petit bobo ou épuisement. Le corps humain est ultimement très puissant et peut s’adapter à presque tout type de situation. Avoir un peu soif sous une situation intense ne fera rien du tout.
Encore une fois, on essaie de trop prescrire l’usage de quelque chose, sans penser à l’effet plus global sur le corps.