Vous avez peut-être vu passer un reportage de Protégez-vous (1) intitulé «Produits de santé naturels: les étiquettes ne disent pas tout» à propos des résultats d’une étude utilisant une technologie d’identification des plantes médicinales par l’ADN.(2) Les résultats de cette étude de Newmaster et collaborateurs sont alarmants. Selon les auteurs, les produits de santé naturels (PSN) vendus au Canada contiennent des ingrédients qui ne sont pas mentionnés sur l’étiquette et certaines plantes sont même substituées à d’autres.
Depuis la publication du reportage, j’ai découvert un article de l’American Botanical Council (un organisme d’éducation et de recherche indépendant sans but lucratif), coécrit par 5 experts du contrôle de qualité des plantes, et qui révèle de nombreuses erreurs dans cette étude.(3)
Une technique maison
La technique d’identification des plantes par l’ADN est généralement fiable, lorsqu’utilisée correctement. Par contre, les auteurs ont choisi d’utiliser leur propre matériel de référence «standard» pour comparer l’ADN des plantes plutôt que d’utiliser le Matériel de référence standard (Standard Reference Material®) de l’Institut national de normes et technologies (National Institute of Standards and Technologies).(3) En bref, cela signifie que les chercheurs ont utilisé de petites sections d’ADN qu’ils ont eux-mêmes préparés pour identifier les plantes plutôt que de faire appel à des banques de données validées par les experts. On peut se demander pourquoi…
Bref, rien ne prouve que leur méthode soit à même d’identifier précisément les plantes.
Le reportage de Protégez-vous mentionne que: «Santé Canada se base toutefois uniquement sur un dossier papier soumis par les fabricants pour autoriser la vente des produits.» C’est vrai, mais ce dossier contient justement des identifications botaniques ainsi que des analyses chimiques et physiques (reconnues) de l’identité des plantes que renferme le produit.
Processus d’extraction
Un extrait sec en poudre (par opposition à une plante séchée et réduite en poudre) est généralement obtenu en pulvérisant la solution d’extraction de la plante sur un véhicule, le plus souvent une farine de riz (sinon de patate ou de soya).(3) Ainsi, l’extrait liquide sèche dans le processus et la poudre obtenue est plus facile à travailler que si on avait simplement séché l’extrait et obtenu une pâte. Il n’est donc pas surprenant que l’étude de Newmaster et collaborateurs démontre la présence d’ADN de riz dans certains produits. Que ce véhicule n’apparaisse pas sur l’étiquette, si tel est le cas, est effectivement déplorable. Il s’agit d’une pratique qui remonte loin dans le temps et qu’il faudrait changer.
Les experts de l’American Botanical Council notent également qu’il est très difficile d’identifier l’ADN des plantes qui ont été transformées en extraits. Pour obtenir des résultats valables, il faut utiliser plusieurs types de contrôle approuvés (et non une technique maison) pour s’assurer que les résultats ne sont pas dus, par exemple, à une contamination croisée par d’autres produits évalués dans le même laboratoire, ou carrément l’ADN du véhicule (riz, patate ou soya). De plus, dans la préparation des extraits, les différentes manipulations brisent les cellules de la plante et peuvent altérer l’ADN. Les extraits contiennent alors les molécules intéressantes de la plante, mais leur identification par l’ADN peut être faussée.
Contamination: quelle quantité?
Une autre des faiblesses de l’étude est qu’elle ne quantifie pas la contamination. Combien un produit donné contient-il du présumé contaminant? Est-ce significatif, ou s’agit-il de l’équivalent de quelques feuilles de pissenlit mélangées à la récolte d’un hectare d’une plante donnée?
Divergences entre les résultats et les conclusions
Dans le résumé de l’article, Newmaster et collaborateurs écrivent que (traduction libre): «La substitution d’ingrédients a été rencontrée dans 30 des 44 produits testés […].» Dans leurs résultats, ils mentionnent cependant que la substitution a été rencontrée dans 32% (et non 68%) des produits analysés. Le résumé de l’article n’est donc pas basé sur les résultats réels.
Conclusion
Les éléments que je rapporte ne sont que quelques-uns de ceux soulevés dans l’article de l’American Botanical Council qui conclut que (traduction libre): […] le journal BMC Medicine [qui a publié l’étude] devrait retirer cet article et exiger des auteurs qu’ils abordent les différentes erreurs, ambigüités et zones de confusion en réécrivant, corrigeant et en présentant de nouveau leur texte au journal. Les éditeurs du journal devraient ensuite soumettre la version corrigée à un processus de révision par les pairs employant de nombreux réviseurs experts (pas uniquement les deux qui ont supposément révisé l’article) qui s’y connaissent non seulement en analyse d’ADN, mais également en analyse botanique et autres disciplines connexes. […] cet article engendre la confusion, favorise de fausses conclusions […].(3)
Il est possible, et c’est ce que j’ai mentionné à la journaliste de Protégez-Vous (1), que l’étude de Newmaster et collaborateurs ait mis à jour certains problèmes de contrôle de qualité. Cependant, comme les conclusions des auteurs sont attribuables à des erreurs d’interprétation de résultats déjà peu fiables, comment pourrait-on juger de la qualité des PSN en se basant sur cette étude?
Références:
- Crépeau, C. Produits de santé naturels: les étiquettes ne disent pas tout. 31 octobre 2013 http://www.protegez-vous.ca/sante-et-alimentation/psn-les-etiquettes-ne-disent-pas-tout.html
- Newmaster SG, Grguric M, Shanmughanandhan D, Ramalingam S, Ragupathy S. DNA barcoding detects contamination and substitution in North American herbal products. BMC Med. 2013 Oct 11;11(1):222. [Epub ahead of print] PubMed PMID: 24120035.
- Gafner S, Blumenthal M, Reynaud DH, Foster S, Techen N. ABC Review and Critique of the Research Article « DNA Barcoding Detects Contamination and Substitution In North American Herbal Products » by Newmaster et al. HerbalEGram, November 2013, par American Botanical Council.
- Science Group Says Article on DNA Barcode Analysis of Herbs Is Flawed, Contains Errors, Creates Confusion, and Should Be Retracted. HerbalEGram, November 2013, par American Botanical Council.
Merci Jean-Yves d’avoir partager cette opinion bien construite. Bon travail!
François Tremblay, naturopathe
Cette étude ne me surprends pas, souvenez vous de l’histoire du kava. Il a été retiré du marché car il y avait eu intoxication du foie. Quelques années plus tard il a été réintroduit car on avait la preuve que le produit responsable contenait une autre plante que le kava, qui elle était toxique pour le foie. La compagnie n’avait pas fait d’analyse et s’était fier au certificat du fournisseur. Et c’est sans compter sur les erreurs volontaires sur l’étiquette de certains produits. Comparer les ingrédients sur les étiquettes à ceux déclaré par les compagnies, à Santé Canada. C’est facile, consulter la base de donnée de santé Canada, mais qui le fait? Certaines étiquettes de produits, ne sont même pas conforme à la loi. Par exemple, certaines n’inscrivent pas la concentration de leurs actifs mais donne une pourcentage, d’autres utilisent un tableau de valeur nutritionnel non conforme, d’autres encore nous trompe ouvertement sur la provenance de leur vitamines ou minéraux… Quelques compagnies ont encore l’audace de nous tromper ouvertement. Heureusement ce ne sont pas toutes les compagnies. Là où il y a de l’humain, il y a de l’humainerie. Fiez-vous à votre gros bon sens et poser des questions, et si l’histoire qu’on vous raconte est trop belle pour être vrai, il y a de bonnes chances qu’elle soit fausse.
Bonjour André
Oui, le gros bon sens et le sens critique sont des denrées rares 🙂
Santé!
Joanne a écrit :
*les compagnies donnent une ristourne pour leurs bouteilles vendues * il faut payer les *naturo* des magasins pour qu’ils-elles parlent de nous dans des publications media –
Ma réponse :
En presque 30 ans comme naturothérapeute-conseillère en magasin dont une grand chaîne québécoise , n’ai jamais vu ou reçu de ristourne pour conseiller des marques, j’aurais refusé. Chroniqueuse dans des revues de santé comme au moins 4 collègues herboristes, n’ai jamais ou rarement `ploggué` des marques… La bonne renommée des trop rares entreprise québécoises et leur efficacité suffit à me convaincre. Les plantes en tisane ou Teintures-mères bio font très bien le travail requis… Les études américaines, extraits et autres pilules pour moi c’est bof!
CERTAINES COMPAGNIES!!!
J’ai travaillé pendant des années pour un producteur, distributeur d’un produit naturel. Nous avons déjà reçu des demandes pour payer les employéEs sur le plancher pour les bouteilles vendues.
Cela venait d’un détaillant et ce, parce que certaines compagnies le faisaient!!
Désolée si mon commentaire vous a blessée.
Pour ma part,,,,ma colère vient du fait que
*les compagnies donnent une ristourne pour leurs bouteilles vendues
* il faut payer les *naturo* des magasins pour qu’ils-elles parlent de nous dans des publications media
Voilà
Désolée de voir que ce milieu n’est plus ce qu’il était
Bonne route
a+
Joanne (Soleiljo)
Je suis naturopathe et j’ai travaillé 10 ans en magasin comme conseillère et je n’ai jamais été payée par une compagnie pour « plugger » sa marque. Je me suis toujours basée sur ma propre expérience, celle de mes collègues et de nos clients pour connaître les marques les plus efficaces que j’étais fière de recommander sachant qu’elles donnaient de bons résultats.
Certaines entreprises nous donnaient des formations sur leurs produits mais tellement rien à voir avec ce que reçoivent les médecins que ce serait inimaginable de penser à comparer ces 2 mondes.
Tout en ton honneur Louise! Bravo mais malheureusement ce n’est plus la même chose.
Nous comparer aux pharmaceutiques, cela n’était pas mon intention.
De toute façon me, nous comparer à ces multinationales ne fait pas me (nous) donner bonne conscience!
Désolée si mon commentaire a pu te blesser.
En Europe c’est pire J Y , il veulent tout supprimer !
Il y à des bonnes volontés décidées à ne pas laisser faire.
Bonjour Dominique
Il ne faut pas abandonner. Il est vrai qu’il y a urgence mais la bataille n’est pas terminée.
Santé!
allo JY
quelques que soient les études, il faut toujours garder son sens critique et éviter de sauter aux conclusions trop rapidement. Personnellement je me méfie des études car trop souvent elles ne sont pas indépendantes des compagnies qui les demandent. Bref je préfère me fier à vos commentaires plus impartiaux que ceux qui sont publiés dans les revues même Protégez-vous que je soupçonne de partialité notamment avec leur étude sur les compteurs intelligents comme s’ils avaient été achetés par Hydro-Québec. Depuis ce temps-là je n’accorde plus tellement de crédibilité à cette revue supposément indépendante. Merci pour cet excellent article et bonne santé à vous! hélène l