• Recherche

Quand on connaît l’importance de bien manger, on se demande pourquoi tout le monde ne le fait pas. Au-delà des goûts et préférences, ou encore de cette volonté de certains de s’opposer par principe, l’alimentation devrait être la pierre angulaire de la vie. Si on veut être en santé, productif et heureux, il faut s’intéresser à ce qu’on met dans son assiette. Trop de gens pellettent leur tombe avec leur fourchette.

D’autre part, de tous les postes budgétaires d’une famille, le panier d’épicerie est le plus élastique. On ne peut pas couper tant que ça sur le loyer, les transports, l’école et ses fournitures, etc. Par contre, l’alimentation est la dépense où il est le plus facile de couper. La question qui se pose est alors celle-ci: combien coûte une alimentation saine (je ne parle pas de suppléments ou d’aliments tendance, mais simplement de bons aliments frais) par rapport à une alimentation, disons-le, industrielle?

Combien de plus?

Une équipe de chercheurs de Harvard a fait cette évaluation. Ils ont compilé les données publiées provenant principalement des États-Unis, mais aussi du Canada, de la France, du Japon et de l’Afrique du Sud. Selon leurs calculs, il en coûte en moyenne  $1,50 de plus par jour par personne (ou $1,56 de plus pour chaque tranche de 2000 kcal) pour manger sainement. Ainsi, pour une famille de 4, on parle de 2190$ de plus par année. Suffisamment pour grever un budget familial.(1,2)

Quelques statistiques canadiennes

À Ottawa, capitale du Canada, un panier de provisions nutritif (PPN – basé sur le Guide alimentaire canadien) pour une famille de 4 personnes coûte 759$/mois.(3)

Au Nouveau-Brunswick, une province plus pauvre, l’enquête alimentaire «Être pauvres et bien se nourrir: Essayez-le!» effectuée par le Front commun pour la justice sociale du N.-B. inc. montre qu’en 2012, le même PPN coûte $914/mois!(4)

Pourquoi bien manger devient-il un luxe?

Logiquement, si je cuisine à partir des aliments de base plutôt que d’acheter tout fait, j’économise. Cependant, cette logique ne semble pas toujours s’appliquer… On peut comprendre que les ingrédients industriels, achetés en grande quantité, coûtent moins chers au kilo que les ingrédients domestiques. Mais je me butte à une notion qui résiste à l’entendement: pourquoi les aliments bruts non transformés se vendent-ils plus chers que les aliments transformés? Le coût du processus industriel ne nous est certes pas offert en cadeau par le fabricant!

La réponse à cette énigme vient des subventions à l’agriculture offertes dans plusieurs pays. Chez nos voisins du Sud, le Farm Bill de Washington subventionne de façon éhontée certaines cultures, notamment le maïs, et pas du tout d’autres, notamment les légumes. Les produits industriels qu’on nous vend contiennent surtout des produits subventionnés à outrance, ce qui permet aux fabricants de nous vendre leur néfaste food à des prix imbattables.

Dans l’article La vraie cause de l’épidémie d’obésité que je publiais en 2010 suite aux travaux d’un groupe de médecins, le Physicians Committee for Responsible Medicine (PCRM), je vous ai montré que les subventions sont quasi inversement proportionnelles à la qualité santé des aliments.

Cette réalité est toujours la même, ce qui entraine une augmentation relative des prix plus élevée pour les fruits et légumes que pour le reste de l’alimentation et une baisse des prix pour le néfaste food, notamment les boissons gazeuses.

http://economix.blogs.nytimes.com/2009/05/20/whats-wrong-with-this-chart/

Comment l’inflation influence-t-elle les achats?

On a comptabilisé de par le monde que, pour chaque augmentation de 1% du prix d’une classe d’aliment, sa consommation est réduite de 0,4 à 0,8%.(5) Bref, plus les gens sont pauvres, plus ils coupent dans l’essentiel!

En cette saison de guignolée (tradition québécoise du temps des fêtes qui consiste à collecter de l’argent ou de la nourriture pour venir en aide aux nécessiteux), mes souhaits les plus chers sont que l’alimentation de qualité soit accessible à tous partout; que l’alimentation et la santé deviennent une priorité de nos gouvernements respectifs; que les fonds publics soient utilisés pour le bénéfice de la population générale en premier, et non selon l’intérêt des groupes de pression; et que la production agricole soit au service des consommateurs et non au service des conglomérats. (Voir aussi Une illusion de diversité)

Santé !

 

Références:

  1. Rao M, Afshin A, Singh G, Mozaffarian D. Do healthier foods and diet patterns  cost more than less healthy options? A systematic review and meta-analysis. BMJ Open. 2013 Dec 5;3(12):e004277. doi: 10.1136/bmjopen-2013-004277. PubMed PMID: 24309174; PubMed Central PMCID: PMC3855594.  (texte complet accessible gratuitement)
  2. Article du National Post: http://life.nationalpost.com/2013/12/06/a-healthy-diet-costs-2000-a-year-more-than-an-unhealthy-one-for-average-family-of-four-harvard-study/
  3. http://ottawa.ca/calendar/ottawa/citycouncil/obh/2011/11-21/2AFr_Cost_of_NFB_Ottawa_Factsheet_2011_FR.pdf
  4. http://www.canadiansocialresearch.net/nb_rapport.pdf
  5. Green R, Cornelsen L, Dangour AD, Turner R, Shankar B, Mazzocchi M, Smith RD.  The effect of rising food prices on food consumption: systematic review with meta-regression. BMJ. 2013 Jun 17;346:f3703. doi: 10.1136/bmj.f3703. Review. PubMed PMID: 23775799; PubMed Central PMCID: PMC3685509.  (texte complet accessible gratuitement)

14 commentaires

  1. Bonjour Jn-Yves,
    Je suis également de l’avis que pour bien se nourrir il faut investir beaucoup, en argent et en temps. Les aliments bio ne sont pas à portée des gens à faibles revenus et cuisiner demande du temps, ce qui fait souvent défaut pour les parents, surtout avec de jeunes enfants. Je trouve cela bien triste car je sais combien c’est important de s’alimenter sainement. Continuez à bien nous informer et à dénoncer l’industrie qui nous « tue » à petit feu et nos gouvernements qui la cautionne. Merci!

  2. Votre article est très intéressant. En effet, ça peut être plus cher de manger santé.

    Par contre, la facture baisse beaucoup quand on commence à cuisiner davantage à partir d’ingrédients de base. Par exemple, dans la dernière année, j’ai commencé à faire du yogourt, du ricotta, de la mozzarella, du kéfir, de la choucroute, des marinades et des légumes lacto-fermentés, de la moutarde, du ketchup, du pain, des pousses et germinations, en plus d’acheter des légumineuses en vrac et de les faire cuire moi-même pour faire du hummus, des galettes végétariennes, etc. Tout ça demande de la préparation, mais j’y trouve beaucoup de fierté et de satisfaction.

    En plus, le fait d’acheter des aliments de base seulement m’aide à garder ma ligne, p. ex. si je veux des biscuits, je dois les faire moi-même, et tout nettoyer après. Parfois, c’est assez pour faire passer le goût.

    En regardant les spéciaux, on peut aussi faire des économies importantes. Par exemple, les gros sacs de fruits surgelés sont souvent en spécial à 3 $. En ville, en choisissant les marchés « ethniques », on paie beaucoup moins cher que chez les grandes chaînes. Réduire la viande et le fromage aide beaucoup pour les petits budgets, probablement pour la santé aussi.

  3. Nous avons toujours mis l’accent sur l’importance de bien manger, même dans les premières années de notre union avec l’achat d’une première maison, des enfants à la garderie (qui ne coûtait pas 7$ par jour dans ce temps-là) et des salaires qui n’étaient pas si élevés. Mais nous avons toujours pu le faire. C’est à dire que même si nous étions serrés, l’option de bien manger était toujours accessible. Je me compte très chanceuse puisque je sais que ce n’est pas le lot de bien du monde. Donc, moi aussi,je partage ton souhait que l’alimentation santé soit accessible à tous.

  4. J’ai toujours rempli mon congélateur de produits du Québec en saison. Il déborde de fraises (en coulis sur des crèpes, gâteau au fromage, pouding), bleuets (muffins, yogourt), framboises, soupe aux légumes, sauce à apag, tomates (je n’achète jamais de tomates en boîte), etc. Ça me sauve du temps de de l’argent. Mais le plus important, j’ai l’impression de faire le plein de vitamines et d’encourager mes producteurs locaux.

  5. Chez nous, l’alimentation a toujours été LA PRIORITÉ pour notre famille. Et j’ai toujours su qu’à cause de ça, une voiture neuve, un voyage dans le sud, du ski alpin l’hiver pour la famille et même des choses plus essentielles que celles-là n’étaient pas possible. Ici, il n’y a pas de jeux vidéos, de Ipod pour les enfants, de Ipad pour la famille, etc.

    Et avec tes chiffres aujourd’hui, je constate que c’est au minimum 3285$ de plus pour ma famille de 6 qui mange bio, santé et sans blé.

    Il est certain qu’avec un revenu familial AVANT allocations de 35,000$, on a dû effectivement en faire une priorité. Mais, jamais je ne le regretterai …

    Merci de ce texte qui nous éclaire !!!

  6. Merci Jean Yves, pour cette lueur qui est devenue plus lumineuse dans ma tête.
    Il y a bien sûr beaucoup d’autres facteurs qui jouent sur le budget, que je ne voudrais pas énumérer, mais il y en a un qui me tient à coeur pour réduire le budget alimentaire..; c’est l’alimentation consciente.Celle-ci est en partie léguée par l’éducation (et du con, et du con, et du con..)qui transmet à l’enfant des valeurs nobles entre autre par l’allaitement normal et la jouissance en mangeant l’aliment. D’après mon expérience, ces deux facteurs permettent d’ingérer spontanément 2/3 de quantité d’aliments en moins par repas !!! ça en fait une répercussion sur le budget et sur la répartition alimentaire de la planète !!!

  7. Merci d’attirer l’attention à ce phénomène qui est dommageable pour plusieurs familles.

    Je vis seule et je constate l’augmentation du prix des aliments, ma facture aussi.

    J’espère que les gouvernements pourront aider davantage les familles dans le besoin. (le gouvernement, c’est aussi notre argent) , aidons-les à mieux s’alimenter.

    Aujourd’hui, à la radio, on parlait de la pauvreté dans les familles, je me pose une question : est-ce que le cellulaire, les tablettes, etc sont devenus des « indispensables » ?
    Je n’en ai pas encore…. je suis une dinosaure….

    Bonne fin de semaine !!!

  8. Une autre explication possible est que pour les produits frais les marges bénéficiares que prennent les détaillants sont beaucoup plus élevées à cause du pourcentage de perte qui l’est aussi.
    La durée de vie des produits manufacturés industriellement étant plus longue et les produits expirés souvent couverts par le manufacturier les marges prises par le marchand sont plus basses.

  9. C’est super Jean-Yves ton article et tes recherches. Je trouve aussi ton expression très valable: les gens pellettent leur tombe avec leur fourchette. N. Renaud, ND.A

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée.

*

Pour vous, je garde un pied dans la science et l’autre dans le gros bon sens.