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Il y a quelques années, vers 2003, on affirmait que si tous les adultes prenaient une aspirine pour bébé, on éliminerait 80% des maladies cardiaques. Des médecins britanniques ont d’ailleurs imaginé une formule de médicaments pour réduire le risque de maladie cardiaque de 80%. Ce cocktail théorique surnommé Polypill contiendrait: une statine, 3 médicaments pour diminuer la pression (un diurétique, un bêtabloquant et un IECA, tous à demi-dose), de l’acide folique (vitamine B9), et de l’aspirine à petite dose.(1)

Vers 2008, le fabricant du médicament Crestor (une statine pour le cholestérol) arrivait à la conclusion, suite à une étude écourtée «parce que trop positive» [sic], que si les bienportants prenaient leur statine, on sauverait 44% des maladies cardiaques.(2,3) Selon les auteurs d’une méta-analyse, l’effet des statines serait tellement bénéfique qu’il serait souhaitable d’étendre cette protection à toute la population. La réduction du cholestérol serait bénéfique même chez ceux qui ont un taux de cholestérol normal, et ce dès l’âge de 40 ans.(4)

Aujourd’hui, c’est au tour du cancer du sein. Il semblerait que si toutes les femmes prenaient le médicament tamoxifène, on assisterait à une réduction spectaculaire du taux de cancer du sein.(5,6)

On croirait entendre le Dr Knock, en 1923: «Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent!».(7)

Corriger des carences… en médicaments?

Cette notion de contrôler les facteurs de risque pour diminuer la prévalence de maladies n’est pas neuve. Il y a très longtemps, les autorités de divers pays ont demandé d’ajouter de l’iode au sel pour prévenir le goitre, de mettre de la vitamine D dans le lait pour prévenir le rachitisme, d’enrichir les aliments (farines entre autres) avec de l’acide folique pour réduire les troubles de développement chez le fœtus (spina bifida), etc.

Il s’agit ici d’augmenter certains apports nutritionnels pour corriger des carences dans la population. Mais peut-on affirmer que la maladie cardiaque est due à une carence en aspirine ou en statine? Que le cancer du sein est dû à une carence en tamoxifène? Ou même que la carie dentaire est due à une carence en fluor? Bien sûr que non. Il s’agit de médicaments, pas de nutriments. Cette pensée est aussi absurde que d’affirmer que la fatigue est due à une carence en caféine!

Qu’est-ce qui cloche?

Malgré ce qui précède, la prise de médicaments en prévention peut en séduire plus d’un. Mais quelque chose cloche dans le raisonnement scientifique qui sous-tend la prise de médicaments comme outils de prévention dans une population de bienportants.(8,9)

  1. Ce sont des médicaments, et qui dit médicaments, dit effets secondaires: douleurs musculaires associées aux statines, ulcères d’estomac à l’aspirine, bouffées de chaleurs au tamoxifène, et même des décès… Le risque est sous estimé. Grâce à la pharmacovigilance, on sait maintenant que, une fois en marché, les médicaments génèrent des effets secondaires… imprévus.
  2. Ces médicaments ont un prix. Avec un système de santé qui croule sous les frais dans tous les pays occidentaux, l’ajout de ce genre de prévention aura comme premier effet d’accroître de façon très importante la facture totale, et ce pour de très longues années, avant même de pouvoir évaluer si la stratégie est utile. Ce coût pour la société représente, bien sûr, un profit pour le fabricant…
  3. Combien de temps devrions-nous prendre ces substances?
  4. Il faut aussi considérer la qualité des études. Dans la thèse du polypill, 10 études sur 14 étaient commanditées, et il est bien connu que les études commanditées sont généralement favorables… au commanditaire. De plus, les études sont trop courtes et portent majoritairement sur les populations malades. L’extrapolation est hasardeuse. Le bénéfice miroité risque fort de ne pas être au rendez-vous… surtout pour les populations ciblées.
  5. Le dernier argument, et non le moindre, est le sentiment de Superman qui accompagnera presqu’inévitablement la prise de médicaments préventifs. C’est d’ailleurs le principe derrière certaines publicités d’antiacides qui nous assurent qu’on peut manger tout ce qui nous plaît et que tout ira bien, à la condition de prendre leur produit. Ainsi, le comportement de précaution, qui est assurément la meilleure prévention, est évacué des habitudes de vie pour être remplacé par une pilule. On a constaté ce sentiment de Superman avec le fameux vaccin contre le condylome. Les jeunes vaccinées se considèrent protégées et ont moins tendance à prendre des précautions…

Tout est relatif…

Notions de risque et de réduction du risque

Les pourcentages de réduction dont il est question dans ces études sont des réductions de risque relatif. Cette réduction s’applique donc à votre risque réel (ou absolu) de contracter la maladie. Si vous êtes vraiment à risque parce que vous avez des antécédents de la maladie visée, alors toute réduction sera bienvenue. Mais si votre risque est minime voire nul, alors une réduction de ce risque ne vous donnera rien du tout.

Un exemple

Si je vous dis que je peux réduire de 40% votre risque de faire un infarctus dans les 5 prochaines années, ça semble intéressant. Par contre, si votre risque réel de faire un infarctus est de 2%, une réduction de 40% vous laissera encore 1,2% de risque de faire un infarctus.

Par contre, si votre risque réel est de 50% (comme pour un fumeur de 50 ans), une baisse relative de 40% fera baisser votre risque réel à 30%. Beaucoup plus intéressant!

Et c’est là qu’intervient le jugement du médecin. Certains médicaments peuvent être utilisés en prévention pour certaines personnes, mais pas pour tous!

Contre la marchandisation de notre santé

Deux organismes dignes de mention œuvrent contre cette marchandisation de notre santé, deux groupes de femmes dont les efforts louables visent à dénoncer ces pseudopréventions: Le National Women’s Health Network aux États-Unis, et, ici au Québec, le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF). Fondé en 1997, le RQASF est un organisme provincial multidisciplinaire sans but lucratif dont la mission est de travailler solidairement à l’amélioration de la santé physique et mentale des femmes, ainsi que de leurs conditions de vie. Je vous encourage à visiter leurs sites pour constater le travail énorme, le courage et la détermination de ces femmes.

Conclusion

Doit-on voir dans ces différentes études, un exercice de santé publique, ou plutôt un exercice de marketing! Quand vous entendez une nouvelle à propos d’un médicament qui protègerait ou préviendrait telle ou telle maladie, attendez un peu et posez-vous les deux questions suivantes:

  • À qui va le risque?
  • À qui d’autre va le bénéfice?

L’origine de toutes les maladies

Sachez qu’au moins 80% des maladies sont évitables. Oui, oui, pas seulement gérables à l’aide de médicaments, mais bien évitables!

Pour vous aider à vous conscientiser et vous outiller dans votre démarche santé, je vous ai concocté un « Concentré de santé » intitulé L’origine de toutes les maladies sur academie.apothicaire.ca

Dans cette formation, nous verrons:

  • L’état de la situation
  • Les causes, aggravants et facteurs de risque des maladies de société
    • Les mécanismes d’action
  • Comment savoir si nous sommes en bonne santé métabolique
    • Les mesures et tests
    • Les symptômes
  • Les complications d’une mauvaise santé métabolique
  • Quoi faire pour ne pas être malade (ou pour retrouver la santé)?
    • Stratégies efficaces
    • Produits naturels utiles

Pour plus de détails et pour vous inscrire : L’origine de toutes les maladies

Santé !

Jean-Yves

Références

  1. Wald NJ, Law MR. A strategy to reduce cardiovascular disease by more than 80%. BMJ. 2003 Jun 28;326(7404):1419. PubMed PMID: 12829553; PubMed Central PMCID: PMC162259.
  2. Ridker PM, Danielson E, Fonseca FA, Genest J, Gotto AM Jr, Kastelein JJ, Koenig W, Libby P, Lorenzatti AJ, MacFadyen JG, Nordestgaard BG, Shepherd J, Willerson JT, Glynn RJ; JUPITER Study Group. Rosuvastatin to prevent vascular events in men and women with elevated C-reactive protein. N Engl J Med. 2008 Nov 20;359(21):2195-207. PubMed PMID: 18997196.
  3. Statin use ‘may benefit healthy’ http://news.bbc.co.uk/2/hi/health/7715707.stm 9 November 2008
  4. Baigent C, Keech A, Kearney PM, Blackwell L, Buck G, Pollicino C, Kirby A,Sourjina T, Peto R, Collins R, Simes R; Cholesterol Treatment Trialists’ (CTT) Collaborators. Efficacy and safety of cholesterol-lowering treatment: prospective meta-analysis of data from 90,056 participants in 14 randomised trials of statins. Lancet. 2005 Oct 8;366(9493):1267-78. PubMed PMID: 16214597.
  5. Cuzick J, Decensi A, Arun B, Brown PH, Castiglione M, Dunn B, Forbes JF, Glaus A, Howell A, von Minckwitz G, Vogel V, Zwierzina H. Preventive therapy for breast cancer: a consensus statement. Lancet Oncol. 2011 Mar 25. [Epub ahead of print] PubMed PMID: 21441069.
  6. Breast cancer drugs for healthy women. By Tim Ross, Social Affairs Editor 6:15AM BST 28 Mar 2011 http://www.telegraph.co.uk/health/women_shealth/8410262/Breast-cancer-drugs-for-healthy-women.html
  7. Knock, ou le triomphe de la Médecine, Pièce de théâtre de Jules Romains, 1923 http://fr.wikipedia.org/wiki/Knock_ou_le_Triomphe_de_la_médecine
  8. Powlson M. « Polypill » to fight cardiovascular disease: universal polypharmacy goes against recent beliefs in prescribing practice. BMJ. 2003 Oct 4;327(7418):807-8; discussion 809; author reply 809-10. PubMed PMID: 14525887;PubMed Central PMCID: PMC214160.
  9. Messori A, Santarlasci B, Trippoli S, Vaiani M. « Polypill » to fight cardiovascular disease: cost effectiveness of statins for primary prevention of cardiovascular events is questionable. BMJ. 2003 Oct 4;327(7418):808-9; discussion 809; author reply 809-10. PubMed PMID: 14525889; PubMed Central PMCID: PMC214164.

Photo by Sage Ross, CC by-sa

 

8 commentaires

  1. La pure vérité, seulement que la vérité.<merci

    par contre comme j’ai passé mourir avec Avandia, barré avec Lipitor, mes voisins m’offraient déjà les sympathies.
    Je suis reviré depuis 1994 à la médecine alternative.
    Donc, j’ai écrit au Ministre du revenu, des finances( le même politicien) au ministre de la santé( il est trop occupé avec la gestion des équipements de la santé) afin de pouvoir déduire des impôts mes factures de produits naturels, d’ici ou d’ailleurs. Plus j’ai dit que le gouvernement touchait les taxes sur ces achats et que les produits naturels coûtaient moins chers que de faire vivre les pharmaceutiques.

    Vous devinez la réponse!

  2. Quelqu’un a écrit:
    Le médecin fait mourir plus longtemps. PLUTARQUE …

    N’est-ce pas la voie qu’à prise notre médecine occidentale actuelle ?

    Continuons de vouloir la tranformer en pensant et en faisant autrement…

    Merci Jean-Yves de nous prouver qu’il y a de l’espoir pour les bienportants …

  3. « Ce qu’il vous faut, c’est un gramme de soma »
    Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes
    « La médecine a fait tant de progrès que plus personne n’est en bonne santé. »
    Aldous Huxley

    Quel visionnaire que ce Huxley…C’était en 1929, n’est-ce pas?
    André L.

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