Un article de La Presse du 26 février 2015 rapporte les propos d’un chercheur qui met en doute la sécurité de la mélatonine.(1) L’étude en question est en fait une revue narrative sur l’état des connaissances concernant l’usage de la mélatonine chez les enfants. Dans cette revue, David Kennaway de l’Université d’Adelaide (Australie) étaye son point de vue et rapporte assez brièvement certaines études faites soit sur des animaux, soit chez des humains. Il affirme que les données sur la mélatonine et son usage à long terme chez des enfants et des adultes sont insuffisantes, que sa sécurité n’a pas été établie.
Qu’en disent les pédiatres?
Tout d’abord, sachez que je suis d’accord avec lui sur le fait que la mélatonine n’est pas un premier choix chez les enfants. La Société canadienne de pédiatrie va dans le même sens, mais recommande tout de même la mélatonine pour certains troubles du sommeil, comme ceux secondaires à l’hyperactivité ou à la médication contre l’hyperactivité. Cette prise de position a été publiée en 2012 (http://www.cps.ca/fr/documents/position/melatonine-pour-traiter-troubles-du-sommeil-enfants-adolescents).
Les pédiatres rappellent aussi que l’usage de la mélatonine chez les enfants n’est toujours pas approuvé par Santé Canada. Sur quoi se basent-ils donc pour dire qu’il est permis de la prescrire alors que M. Kennaway affirme que les études sur sa sécurité sont déficientes et que des risques sur le développement et sur la sécrétion endogène de mélatonine sont possibles?
Effet sur la sécrétion endogène
Déjà en 1986, des chercheurs ont constaté qu’un apport exogène de mélatonine ne faisait que changer le moment (et non l’importance) de la sécrétion endogène. En effet, lors de cette petite étude (12 participants), le pic de sécrétion endogène a été avancé dans le temps par rapport au placébo chez 5 volontaires sans être autrement altéré. Pour les autres participants, aucun effet n’a été noté.(3)
On sait aussi que la mélatonine n’est pas uniquement produite dans la glande pituitaire, mais également dans d’autres tissus du corps, notamment la peau. Le risque théorique d’aplasie (diminution ou perte de sécrétion, comme ce que l’on observe avec les corticostéroïdes ou la testostérone) secondaire à la consommation exogène est ainsi très réduit.(4)
Risques liés à un usage chronique
En Hollande, une étude de suivi publiée en 2011 a évalué les effets de la consommation de mélatonine sur une période allant jusqu’à 4,6 années (moyenne de 3,1 ans) chez 51 enfants de 6 à 12 ans. Les doses utilisées variaient de 0,3 à 10mg au coucher. Les chercheurs n’ont noté aucune variation du développement, du déclenchement de la puberté, ni de la santé mentale par rapport à la population générale du même âge.(5)
En 2009, une autre étude de suivi sur 66 enfants (durée moyenne de consommation de 3,7 ans) rapporte une réponse thérapeutique positive à 93%. La majorité des enfants utilisaient la mélatonine quotidiennement et 12% occasionnellement. Durant la période de l’étude, 9% des enfants ont cessé l’usage parce que le problème de sommeil était résolu. Les chercheurs ont noté une amélioration du comportement chez 71% des jeunes et de l’humeur chez 61%. Aucun effet secondaire particulier n’a été noté. L’arrêt de la mélatonine mène tout simplement à un retour du trouble d’endormissement à la même intensité qu’avant le traitement.(6)
Une méta-analyse confirme l’innocuité et l’effet bénéfique de la mélatonine chez des enfants.(7)
Sevrage / dépendance
La mélatonine ne semble pas causer de sevrage. Elle est d’ailleurs utilisée pour faciliter celui des benzodiazépines.(8) Aucune dépendance pharmacologique, ni tolérance, ni aplasie (réduction de la sécrétion endogène) n’a été démontrée dans la documentation publiée.
Chez 170 patients insomniaques, la prise de 2mg de mélatonine à libération prolongée au coucher, durant 3 semaines, a amélioré la qualité du sommeil et n’a pas causé de sevrage à l’arrêt du traitement.(9) Chez 244 adultes, l’usage de mélatonine durant 6 à 12 mois a eu un effet positif sur le sommeil et la vigilance de jour, mais aucun effet secondaire ni symptôme de sevrage.(10)
Le risque de dépendance psychologique (dépendance à la pilule, similaire à la dépendance à la «pompe» pour les asthmatiques) est cependant présent. Je n’ai trouvé aucune référence à ce sujet, mais, surtout pour les enfants, il faut garder cette possibilité en tête.
Rapport risque / bénéfice
Le Dr Kennaway termine en affirmant que le risque est trop élevé, en comparaison avec la modeste amélioration du sommeil associée à la mélatonine. Il a raison sur l’effet modeste: la mélatonine n’est pas un somnifère. Elle peut faciliter le sommeil, mais elle ne le provoque pas. Cependant, si d’autres solutions plus douces n’ont pas donné de résultats, doit-on laisser un enfant en carence continuelle de sommeil (avec tous les effets néfastes que cela peut avoir sur son développement, ses apprentissages, sa santé et tout ce qui en découle)?
Personnellement, avant de donner de la mélatonine à un enfant, je préfère essayer des solutions plus douces, comme l’usage d’une routine au coucher, l’huile essentielle de lavande (quelques gouttes sur l’oreiller suffisent souvent) et/ou l’augmentation de l’activité physique (diminution des heures passées devant un écran) durant la journée. Il ne faut pas oublier la possibilité très réelle de dépendance psychologique à la «pilule pour faire dodo».
L’usage de la mélatonine est-il risqué? La mélatonine est en vente libre au Canada depuis 2006 et aux États-Unis depuis les années 1990 et j’attends encore de trouver un rapport de toxicité à son sujet…
Sans partager le point de vue alarmiste de M. Kennaway, je suis d’avis qu’il vaut mieux être prudent avec nos enfants et ne pas utiliser la mélatonine à la légère. Si un médecin prescrit de la mélatonine à un enfant, ce sera parce que la situation le demande : une cause médicamenteuse (TDAH) ou organique au trouble de sommeil. Ce ne sera pas simplement pour améliorer le sommeil d’un enfant qui a des troubles passagers.
Bonne nuit 🙂
Autres articles sur la mélatonine :
- https://www.jydionne.com/la-melatonine-est-elle-dangereuse/
- https://www.jydionne.com/la-melatonine-pour-des-os-solides/
- https://www.jydionne.com/secretion-de-melatonine-et-incidence-du-diabete-type-2/
- https://www.jydionne.com/dormir-comme-un-loir-les-produits/
- https://www.jydionne.com/survivre-au-manque-de-sommeil/
Si le TDAH vous intéresse
Ne manquez pas mon Concentré de santé « Trouble de l’attention et hyperactivité » sur https://academie.apothicaire.ca
Vous y apprendrez:
- Les divers facteurs de risque et les aggravants du TDAH
- Le sucre : coupable ou pas? Pourquoi?
- Les complications et troubles associés
- Les médicaments : une bonne solution?
- Que faire quotidiennement pour prévenir et améliorer
- Les aliments à éviter et ceux à favoriser
- Les produits naturels utiles
- Et bien plus!
Références
- Des chercheurs australiens mettent médecins et parents en garde contre la mélatonine pour les enfants qui éprouvent des problèmes de sommeil. Publié le 26 février 2015 http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201502/26/01-4847853-la-melatonine-pour-les-enfants-remise-en-question.php
- Kennaway DJ. Potential safety issues in the use of the hormone melatonin in paediatrics. J Paediatr Child Health. 2015 Feb 3. doi: 10.1111/jpc.12840. [Epub ahead of print] PubMed PMID: 25643981. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25643981
- Wright J, Aldhous M, Franey C, et al. The effects of exogenous melatonin on endocrine function in man. Clin Endocrinol (Oxf). 1986 Apr;24(4):375-82. PubMed PMID: 3742833. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3742833
- Slominski A, Tobin DJ, Zmijewski MA, et al. Melatonin in the skin: synthesis, metabolism and functions. Trends Endocrinol Metab. 2008 Jan;19(1):17-24. Review. PubMed PMID: 18155917. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18155917
- van Geijlswijk IM, Mol RH, Egberts TC, Smits MG. Evaluation of sleep, puberty and mental health in children with long-term melatonin treatment for chronic idiopathic childhood sleep onset insomnia. Psychopharmacology (Berl). 2011 Jul;216(1):111-20. doi: 10.1007/s00213-011-2202-y. PubMed PMID: 21340475; PubMed Central PMCID: PMC3111733. Disponible gratuitement à http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3111733/
- Hoebert M, van der Heijden KB, van Geijlswijk IM, Smits MG. Long-term follow-up of melatonin treatment in children with ADHD and chronic sleep onset insomnia. J Pineal Res. 2009 Aug;47(1):1-7. doi: 10.1111/j.1600-079X.2009.00681.x. Epub 2009 May 27. PubMed PMID: 19486273. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19486273
- Bendz LM, Scates AC. Melatonin treatment for insomnia in pediatric patients with attention-deficit/hyperactivity disorder. Ann Pharmacother. 2010 Jan;44(1):185-91. doi: 10.1345/aph.1M365. Review. PubMed PMID: 20028959. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20028959
- Peles E, Hetzroni T, Bar-Hamburger R, et al. Melatonin for perceived sleep disturbances associated with benzodiazepine withdrawal among patients in methadone maintenance treatment: a double-blind randomized clinical trial. Addiction. 2007 Dec;102(12):1947-53. PubMed PMID: 17916225. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17916225
- Lemoine P, Nir T, Laudon M, Zisapel N. Prolonged-release melatonin improves sleep quality and morning alertness in insomnia patients aged 55 years and older and has no withdrawal effects. J Sleep Res. 2007 Dec;16(4):372-80. PubMed PMID: 18036082. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18036082
- Lemoine P, Garfinkel D, Laudon M, et al. Prolonged-release melatonin for insomnia – an open-label long-term study of efficacy, safety, and withdrawal. Ther Clin Risk Manag. 2011;7:301-11. doi: 10.2147/TCRM.S23036. PubMed PMID: 21845053; PubMed Central PMCID: PMC3150476. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3150476/
Bonjour ,
Notre fille de 12 ans , qui n’a jamais présenté aucun problème de sommeil avant , a depuis début janvier de grosses difficultés à dormir la nuit .
Après 1 mois de nuits totalement déstructurées ( avec endormissement vers 3 h du matin ou endormissement vers 23h mais réveil vers 2ou3h sans possibilité de se rendormir …) , en vue d un voyage avec ses grands parents , je me suis décidée sur les conseils d’ une amie médecin , à essayer de lui donner de la melatonine ( 0,75 mg le soir sous forme de carré de chocolat ) que j associe au complexe super diet quatuor sommeil paisible ( Angelique , passiflore, eschchiltzia et Aubépine ) : 1 ampoule le soir également ( comme le chocolat 30mî a 45 minavant le coucher ) .
Cette formule marche très bien : elle dort alors parfaitement au moins 9 nuits sur 10 ! Dans le but de limiter les suppléments qui ne m’ emballent pas , j’ essaye de diminuer ( 0,5 mg de melatonine et une demi ampoule de quatuor 40 min avant le coucher ) les quantités prises mais quand on tente de ne plus rien lui donner , elle repart comme en janvier et ne dort pas ..
Je culpabilise à l’ idée de la « droguer » avec ses produits : J’ ai peur qu’ à terme elle présente des effets secondaires ( malgré vos dires qui sont rassurants ..) ?
Que dois je faire : continuer ainsi encore Un moment et arrêter dans quelques mois quand elle aura repris confiance ? Arrêter tout de suite quitte à la laisser être triste la nuit et crevée en journée par manque de sommeil ? Continuer un long moment dans me poser de questions ?
En ce moment elle traverse la vraie poussée de croissance de l’ adolescence : j’ ai comme l’ impression qu’ au milieu de se bouleversement elle ne sécrète plus assez de melatonine . À part cela c’est une jeune fille très vive , intelligente , sportive , bien dans sa peau , qui a plein d’ amis et qui a toujours eu de bonnes habitudes en terme de rituel de sommeil . Tous les traitements tentés avant la melatonine ont échoué ( euphytose , lavande , quatuor sommeil paisible seul sans melatonine ) . Elle dit qu’ Elle n’ arrive pas à dormir parce qu elle n’ arrive pas à débrancher son cerveau mais qu’ elle n’ est stressé par rien soit disant … c’est un Profil très cérébral , assez sensible , légèrement timide en société mais elle peut est très forte psychologiquement ( je trouve en tous cas ) . Nous avons de plus un déménagement prévu cet été , mais ce n’ est pas le 1er et jusque là elle a toujours dormi malgré ça .
Chose surprenante : Durant ces 3 dernières années , elle se plaignait souvent de maux de tête qui ont totalement disparu pour laisser place …aux troubles du sommeil . Un lien ?
Un grand Merci à vous de bien vouloir me donner votre avis sur cette prise de melatonine qui marche très bien mais qui m’ inquiète un peu ( je n’ aime pas les médicaments …)
Carole
Bonjour Carole
En soi, il n’y a pas de problème à donner les produits que vous décrivez. Mieux vaut qu’elle dorme avec ce cocktail sécuritaire plutôt qu’elle ne dorme pas. IL serait utile de lui faire expérimenter des techniques comme la cohérence cardiaque, la pleine conscience ou entre le EFT https://technique-eft.com/apprendre-eft-en-ligne/presentation-eft.html
https://www.youtube.com/watch?v=niyzKkfT7jA
Ces techniques sont simple et facile à mettre en place.
Très souvent, elles donnent de véritables miracles.
Santé!
Bonjour Jean-Yves,
Après avoir lu cet article il y a quelques semaines j’ai complètement arrêter l’utilisation de la mélatonine sur mon fils de 3 ans. Qui soit dit en passant a un trouble du sommeil (endormissements) c’est un petit garçon TRÈS TRÈS actif avec un tempérament très anxieux. Depuis sa naissance il n’a jamais beaucoup dormi, sûrement une perte de temps pour lui !! Bref, avant de lui en donner j’ai quand même essayé plusieurs choses, sur une période d’au moins un mois à chaque fois …huile de lavande, huile de mandarines sur les avant bras plusieurs produits homéopathiques tel que produits du capucin, routine de dodo, séance chez un ostéopathe. Bref rien!!! Aucuns changements toujours des problèmes pour le dodo. Par problème je sous-entend un endormissement vers les 10-11h00 !!
Ayayaille, je sais plus trop ce que je devrais faire, parce qu’auparavant en utilisant de la mélatonine ( 0.3mg) enfin il dormait à une heure plus raisonnable, pour un enfant de 3 ans ( mélatonine à 8:00 et 30 minutes plus tard il dort)
Bref devrais-je vraiment cesser son utilisation pour de bon?? Depuis que j’ai lu l’article je reste dans le doute. (Est-ce qu’il pourrait vraiment y avoir des effets négatifs à long terme ???) ça me stresse un peu..
Mais pour l’instant, il doit quand même avoir une carence côté sommeil, je doute que de dormir a 10-11:00 pour un enfant de 3 ans soit vraiment une bonne chose !!
Que me suggérer vous ?
Une maman découragée !
Bonjour Maryse
Vous savez, il y a des enfants qui dorment moins que leurs parents. Pensez à Gregory Charles, 3 heures par nuit, depuis… toujours
Avez-vous essayer de regarder au niveau de l’alimentation s’il ne serait pas intolérant ou allergique à quelque chose ? Laitage, blé, additifs alimentaires ?
C’est une piste à regarder. Allez voir ce site http://fedup.com.au
Santé!
Bonjour Jean-Yves,
Avec le retour bientôt du printemps et du mois d’avril, pensez-vous publier un article concernant la précieuse vitamine D, et les découvertes les plus récentes en 2014 et en 2015, à son sujet ?
Félicitations pour vos excellents articles, toujours tout autant intéressants et pertinents !
Bonne continuation !
Bonjour Daniel
Ce n’est pas dans les cartons. Dar contre c’est une bonne idée. Je vais voir. Avez-vous vu passé une recherche particulièrement intéressante pour vous ?
Santé!
Bonjour,
En anglais, un site pour la VIT-D
http://www.vitamindwiki.com/New+pages
Super Merci Yann pour cette référence
Santé!
Je voulais dire éloigner le lit du mur de 6 »
Une autre bonne habitude à prendre est d’arrêter l’utilisation de tout appareil sans fil et aussi la télé trois heures avant le dodo et de ne pas permettre aucun appareil électrique, avec ou sans fil, dans la chambre. Éloigner le lit d’au moins six pouces. Une autre bonne habitude pour tous est de couper l’électricité dans les chambres avant de se coucher; le fait de couper le courant élimine tout champ électrique et donne une chance au corps de se reposer.
Les enfants d’aujourd’hui sont exposés les 24 h à des radiofréquences et micro-ondes. L’école et l’insouciance des parents qu’installent le Wi-Fi à la maison sont les nouvelles toxines du sommeil. La mélatonine protège des tumeurs, alors un manque de mélatonine est doublement dangereux et met les enfants à haut risque de les développer.