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Un gène est une séquence de molécule d'ADNDans les médias, on nous fait miroiter la puissance des gènes: si on découvre LE gène de telle ou telle maladie, on pourra la guérir! Rappelez-vous l’histoire d’Angelina Jolie qui a subit une mastectomie totale (en 2013) et une ovariectomie (en 2015) parce qu’on lui a trouvé un gène (le BRCA1/2) qui augmenterait significativement son risque de développer un cancer du sein et/ou de l’ovaire particulièrement agressif.

En 2012, la découverte du gène KATNAL1 a fait les manchettes parce que ce gène serait une cible potentielle pour développer un contraceptif masculin (https://www.jydionne.com/le-developpement-dun-nouveau-medicament/). En avez-vous entendu parler depuis? Dans mon article du 18 juin 2012, je vous avertissais qu’entre la découverte d’une cible et l’arrivée d’un médicament commercialement viable, la route est longue (facilement 10 ans) et que, dans bien des cas, la majorité en fait, le médicament ne voit jamais le jour.

Bref, entre la promesse et la livraison, c’est un peu comme en politique. Beaucoup de promesses, bien peu de résultats.

Aujourd’hui, ce domaine de la génétique nous promet également une médecine personnalisée. En tenant compte du génome de chacun, il serait possible d’individualiser les traitements et de prévenir les maladies auxquelles nous serions le plus sujets. Mais cette médecine très technologique livre-t-elle la marchandise? C’est la question que se sont posés deux médecins, les Drs Joyner et Paneth, dans la dernière édition du magazine JAMA, le journal de l’association médicale américaine.(1)

Le génome humain contribue-t-il à prédire les maladies?

C’est l’argument de base de la médecine personnalisée. En identifiant les bons gènes, on pourrait prédire le risque et agir pour prévenir la maladie. Pourtant, les variantes génétiques n’ont que très peu d’impact sur le risque de maladie. Les auteurs estiment que le risque relatif (risque relatif vs risque absolu: https://www.jydionne.com/liens/definitions/#R) associé aux gènes n’excède que très rarement 1,5 (augmentation d’environ 50% du risque relatif d’une maladie en particulier). On est loin des risques relatifs de 3 ou 5 (300% ou 500%) ou plus associés à certaines habitudes de vie. Pensons au tabac qui peut augmenter jusqu’à 20 fois (2000%) le risque de décéder d’un cancer du poumon! (2) Ainsi, comme les autres facteurs sont habituellement beaucoup plus importants que le facteur génétique, la prédiction est loin d’être précise.

Les médicaments qui ciblent les gènes remplissent-ils leurs promesses?

Ces approches génomiques, très utilisées en oncologie, sont décevantes. Oui, elles réduisent légèrement la toxicité, mais le résultat thérapeutique n’est pas éloquent. Les approches basées sur les habitudes de vie, comme la cessation du tabac, sont encore plus efficaces. En cancer, les plus grands résultats de longévité sont obtenus par les approches standards.

Quel genre d’études devrait-on effectuer dans cette médecine personnalisée?

Dans le modèle d’étude clinique classique, on part d’une hypothèse et on cherche des résultats significatifs par rapport à une moyenne (la fameuse valeur p), en tenant compte des différents facteurs pouvant affecter les résultats. Mais comment pourrait-on utiliser ce genre d’études pour une thérapie individualisée? On ne peut pas chercher un effet significatif par rapport à une population puisqu’on recherche l’effet individuel, le fameux n=1 (une étude sur une personne). On revient, jusqu’à un certain point, par un immense détour technologique, à l’empirisme des médecins d’autrefois qui notaient les effets et ajustaient les traitements en fonction de la réponse observée.

Comment la médecine individualisée affectera-t-elle les couts des services médicaux?

Certains auteurs mentionnent que cette médecine sera plus efficace et plus préventive, donc plus économique. Pourtant, l’inverse semble vrai. Les nombreux tests utilisés en médecine génomique sont beaucoup plus couteux que les tests standards et ne les remplacent pas. Ils s’ajoutent à la liste.

De plus, la découverte de marqueurs génomiques chez les patients ne semble malheureusement pas accroitre leur compliance (le fait de bien suivre les recommandations) et les inciter à adopter un comportement de prévention des risques. Cette médecine augmente le nombre de visites au médecin et de tests, de même que l’anxiété des patients.

Bref, la voie de l’économie ne passe pas par la haute technologie. De plus, les médicaments issus de ce pan de recherche coutent littéralement les yeux de la tête. C’est bien évident: plus la population cible est petite, plus le médicament coute cher! À titre d’exemple, les auteurs mentionnent qu’Ivacaftor, un médicament utilisé chez des patients atteints de fibrose kystique, coute 300 000$ (US) par année. Il aurait des effets similaires à ceux de l’ibuprofène, qui coute environ 30$/an et peut être utilisé chez tous les patients atteints de fibrose kystique.

Où est le bénéfice pour la santé publique?

Historiquement, les avancées en santé publique passent par une amélioration du statut socioéconomique, une réduction des habitudes toxiques (tabac, sucre, etc.), une amélioration de la salubrité (eau potable), etc. Ces améliorations sont toujours basées sur des gestes simples et peu couteux et ont un impact majeur sur la santé. Les variantes génétiques sont intéressantes dans les maladies rares, mais leur détection coute cher.

Conclusion

Cette médecine hautement technologique offre des promesses qu’elle ne remplit pas et n’est pas près de remplir. Il faudrait limiter l’enthousiasme des déclarations à son sujet.

Je crois personnellement que la prise en charge de sa propre santé via des outils qu’on peut contrôler soi-même, depuis l’alimentation et les habitudes de vie jusqu’à la prise de suppléments divers, est beaucoup plus intéressante, et surtout plus abordable qu’une thérapie basée sur les gènes.

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Références

  1. Joyner MJ, Paneth N. Seven Questions for Personalized Medicine. JAMA. Published online June 22, 2015. doi:10.1001/jama.2015.7725. http://jama.jamanetwork.com/article.aspx?articleID=2344586
  2. https://www.cancer.ca/fr-ca/cancer-information/cancer-101/what-is-a-risk-factor/tobacco/tobacco-and-your-health/?region=qc

Photo: Zephyris

6 commentaires

  1. Monsieur Dionne,
    Parlez-nous de l’épigénétique: un gène de s’allume pas ni ne s’éteint tout seul.. il faut un facteur environnemental qui va réagir avec un récepteur cellulaire qui, lui, va déclencher une cascade de signalisation pour se rendre jusqu’au noyau cellulaire et de là, il y aura réponse du gène….
    Rappelez aussi que les gènes sont multifonctionnels.
    Comme vous le signalez, les facteurs environnementaux sont plus importants que l’identification de tel ou tel gène.
    Merci de nous informer.

    1. Bonjour André
      C »est là le Hic. La génétique n’est qu’une mémoire. Elle sera activée par des facteurs spécifiques. Par contre, on connait encore moins l’épigénétique que la génétique. Certains facteurs vont inhiber, d’autres vont stimuler (induire l’expression), d’autres encore sont neutres et empêchent l’effet des inducteurs et/ des antagonistes. C’est un peu la pensée derrières ce billet. Tant qu’on ne saura pas ce qui fait fonctionner l’horloge, ce n’est pas très utile de connaitre la forme des engrenages.
      Santé!

  2. Beaucoup de gens surestiment la valeur des tests par opposition à leur état de bien-être et leurs perceptions sur leur santé. Pourtant les analyses bio-médicales ne sont qu’une information complémentaire (et habituellement moins importante). Ces tests génomiques me semblent avoir le même effet.

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