Une édition du magazine PLoS Medicine (Public Library of Science – Medicine) est dédiée à l’impact des méga-corporations alimentaires sur la santé des populations.
Qu’est-ce que PLoS?
La bibliothèque publique des sciences (Public Library of Science) est un organisme dévoué la l’avancement des sciences et, comme ils le disent, à l’accélération de la diffusion du savoir. «Nous sommes un éditeur à but non lucratif et un organisme activiste. Notre mission est d’accélérer le progrès en science et en médecine en pilotant une transformation de la communication en recherche. Tout ce que nous publions est accessible à tous gratuitement en ligne. Le partage de la recherche encourage le progrès, depuis la protection de la biodiversité de notre planète jusqu’à la découverte de traitements plus efficaces contre les maladies comme le cancer.»(traduction libre) Les magazines PLoS sont des revues scientifiques de très haut calibre accessibles gratuitement (open source).
Une industrie prête à tout (sauf à perdre de l’argent) pour redorer son image
Dans un premier article (1), les éditeurs du PLoS Medicine lancent le bal en affirmant que le «Big Food» (alias les multinationales de la malbouffe) et leurs multiples impacts sur la santé ne sont pas suffisamment placés sous la loupe. Ils mentionnent entre autres que le contrôle de cette industrie sur l’alimentation de tous les humains a pour résultat le paradoxe suivant: 1 milliard de personnes souffrent de la faim alors que 2 milliards sont obèses ou en surpoids!
Ces dernières années, en réaction aux «mauvaises langues» (comme moi) qui décrient la malbouffe, le seul effort que ces géants ont fait est d’opérer un changement d’image. De vendeurs d’aliments, ils se sont autoproclamés vendeurs de nutrition!
Les auteurs de l’éditorial questionnent aussi la pratique courante de subventionner colloques et conférences. Cette stratégie est utilisée par les multinationales alimentaires pour démontrer à tous que la santé leur tient à cœur. Il y a là un problème éthique important. Lorsqu’un congrès international de nutrition est commandité par McDo, Nestlé ou Coke, on est en droit de se poser des questions sur l’objectivité du message transmis.
Les éditeurs pointent également du doigt les stratégies douteuses (mais efficaces) de ces compagnies pour obtenir ce qu’elles veulent: lobbying agressif auprès des législateurs et gouvernements, utilisation d’experts internes en nutrition pour contrer les arguments santé qui pourraient éroder leurs ventes, marketing direct aux enfants, ciblage des minorités et des économies émergeantes, conflits d’intérêt non divulgués, etc. Les médias s’en prennent souvent à l’industrie pharmaceutique, à celle du tabac ou de l’alcool, mais bien peu s’attaquent de façon intelligente aux géants alimentaires. Pourtant, cette industrie utilise les mêmes stratégies condamnables.
Vendre plus!
L’article suivant (2) est signé par 2 grands noms: Marian Nestle (sans lien avec la compagnie du même nom), professeur de nutrition et santé publique à l’université de New York, plus connue comme auteure à succès avec Food Politics; et David Stuckler, sociologue de l’université Cambridge. Les auteurs font un parallèle puissant entre l’industrie des boissons gazeuses et celle du tabac qui utilisent les mêmes stratégies de marketing et n’ont qu’un seul et même but: vendre plus! On y apprend entre autres que, entre 2000 et 2010, les ventes de tabac n’ont pas vraiment diminué dans les pays développés alors qu’elles ont augmenté de façon alarmante dans les pays en voie de développement. Depuis 2007, les ventes de boissons gazeuses ont légèrement fléchi dans les pays industrialisés, mais sont en progression constante dans les pays émergeants.
Les pouvoirs publics sont éminemment impuissants (ou leurs intérêts sont ailleurs)… Ils agissent trop peu, trop tard. Les auteurs qualifient même leur réponse d’omission d’agir (failure to act).
Qui contrôle cette industrie?
Le néfaste food nous vient d’un petit club sélect de multinationales. En effet, les 10 plus grandes compagnies américaines contrôlent plus de la moitié des aliments aux États-Unis et environ 15% de la production alimentaire dans le monde. Les voici, dans l’ordre: (3)
Rang |
Compagnie |
Ventes annuelles (milliards $) |
1 |
Nestlé |
46.6 |
2 |
Philip Morris (Kraft) |
38.1 |
3 |
ConAgra |
27.6 |
4 |
Unilever |
26.7 |
5 |
PepsiCo, Inc |
25.1 |
6 |
Archer Daniels Midland (ADM) |
23.5 |
7 |
Tyson Foods Inc |
23.4 |
8 |
Cargill |
21.5 |
9 |
Coca-Cola |
20.1 |
10 |
Mars |
15.3 |
C’est à nous d’agir
Étant donné l’inaction de nos instances publiques, c’est à chacun de nous qu’il revient de passer aux actes.
La première chose à faire est de s’informer, de lire différentes sources d’information, comme cette série de PLoS Medicine. Sur mon site, vous trouverez une foule d’articles traitant du néfaste food.
Deuxièmement, ne vous gênez pas pour partager l’information avec tous ceux dont la santé vous tient à cœur (commencez en partageant cet article 😉 ). Plus la conscience de ce problème s’étendra, plus les actions individuelles auront du poids.
Ensuite, il faut poser des actions plus concrètes, exercer notre liberté de choix. Lisez les étiquettes des aliments et reprenez le contrôle de votre assiette:
- Abstenez-vous d’acheter ceux des compagnies de néfaste food. (Je vous suggère d’aller voir, sur Wikipédia, la liste de quelques-unes des 8000 marques appartenant à Nestlé. Quant on parle de géant…)
- Ciblez 2 types d’ingrédients à limiter:
- les sucres rajoutés;
- les additifs alimentaires tels que couleurs, agents de conservation et autres noms chimiques que vous ne connaissez pas.
- Choisissez des aliments locaux, le moins transformés possible.
Bref, faites passer la santé, votre santé, avant tout.
En bonus, une telle approche a aussi l’effet indirect de subventionner les petits producteurs et l’économie locale, ce que nos gouvernements nationaux ne font pas.
Santé!
Références:
- The PLoS Medicine Editors (2012) PLoS Medicine Series on Big Food: The Food Industry Is Ripe for Scrutiny. PLoS Med 9(6): e1001246. doi:10.1371/journal.pmed.1001246
- Stuckler D, Nestle M (2012) Big Food, Food Systems, and Global Health. PLoS Med 9(6): e1001242. doi:10.1371/journal.pmed.1001242
- http://www.healthychild.org/blog/comments/10_largest_companies_that_make_our_food/
Petit bémol pour le grand public: Éviter les produits contenant du sucre ajouté. Ca devient extrêmement limitant il me semble.
Peut-être pourrions nous dire, éviter les produits contenant du sucres transformés glucose-fructose et de viser que le sucres ajoutés fassent partie des derniers ingrédients.
Il me semble que le sucre en petite quantité n’est pas néfaste en soit. Ca fait agir la levure du pain, ca casse l’acidité, ca peut aider à la saveur, mais en petite quantité. Qu’en pense-tu?
Bonjour Marie-Hélène,
Tout à fait d’accord. En fait, dans bien des cas, il devient très difficile de s’y retrouver avec les étiquettes nutritionnelles. Le sucre s’y cache de tellement de façon. Bref, il faut être un lecteur averti. Par contre, quand le travail est fait une fois, on peut garder ses choix longtemps. Ça vaut la peine.
Santé!
Dr J Y Dionne,
Merci pour votre dénonciation sans détour des abus honteux des grandes multinationales de l’alimentation dont les effets sont dévastateurs sur la santé des populations du monde, souvent des plus démunis, et de l’environnement. Vos conseils, simples et pratiques, vont permettre à plusieurs de faire des choix éclairés en faveur d’une meilleure santé tout en agissant sur la protection de l’environnement.
Et merci de nous donner à lire ce premier article de la nouvelle revue PLoS medecine par deux auteurs très éclairés, Marion Nestle et David Stuckler, qui n’ont pas peur de proposer un message hors des sentiers battus.
Un article qui n’a pas froid aux yeux et qui fait du bien.
Bonjour Marie,
C’est toujours un plaisir. Faites circuler 🙂
Santé!
Merci l’alimentation me préoccupe et votre article décrit bien »l’insouciance »de ces compagnies… Je m’informe sur les contaminants de l’eau depuis 2009 et j’en apprends des belles. Bisphénol-A (les pots de plastique m’inquiètent) et le PBDE- retardateur de flamme dans le lait- perturbateur endocrinien- (étude 2011 sur Vertigo EN LIEN AVEC LES ÉPANDAGES DE BOUES D’USINE D’ÉPURATION SUR LES TERRES AGRICOLES) qui s’en préoccupe? Moi seule on dirait. Oui,je sais, il y en a moins que dans le lait maternel, mais faut-il taxer nos enfants 2 fois et quand il s’agit de perturbateur endocrinien la mini dose suffit à perturber? Si vous pouviez poursuivre la recherche et dénoncer encore une fois, réclamer et que certaines pratiques douteuses- comme ces épandages cessent. Oui, les vaches mangent ce qui poussent sur ces champs fertilisés aux boues d’usine d’épuration. On devrait demander d’étiqueter comme pour les OGM.
Monsieur Dionne, je ne peux m’empêcher de penser que dans tout ça, les multinationales comme Coke ou McDonald’s constituent une mauvaise cible. Un red herring, comme on dit en anglais.
Les gens sont bien conscients que ces produits ne sont pas bons de nos jours. Le vrai problème, c’est que les aliments industriels qu’ils mangent plusieurs fois par jour et qu’ils croient sains sont la vraie source de leurs maux de santé, pas leurs petites indulgences ou leurs visites chez McDonald’s, alors qu’ils vont consommer bien plus de calories et de glucides dans un restaurant familial de toutes façons.
Cessons de tout mettre sur le dos des multinationales, et plutôt, réalisons que nous sommes les premiers responsables de ce qui arrive. Nous privilégions la facilité, les saveurs intenses, et la conservation extrêmement longue avant tout, et utilisons la nourriture industrielle pour ne plus avoir à cuisiner.
Elles sont aussi coupables, soit. Tout particulièrement, elles s’immicent dans le processus scientifique et contraignent les scientifiques à leur fournir des résultats appuyant leurs dires au détriment de ce qui est vraiment bon pour nous.
Toutefois ces multinationales, aux tactiques parfois douteuses, sont ultimement le reflet de ce que nous sommes, et ne font que répondre à notre propre demande. Sans elles ce ne serait pas possible d’avoir des aliments qui goûtent toujours la même chose à coût bas disponibles dans toutes les épiceries d’Amérique du Nord en tout temps et qui peuvent se conserver pendant des semaines. Nous souhaitons inconsciemment que ce train de vie soit soutenable pour notre propre confort, et elles répondent à ces souhaits en nous fournissant cette illusion. Nous choisissons d’y croire parce qu’on veut continuer de vivre dans la facilité, bien que nous sachions la vérité.
Je m’excuse si je suis un peu dûr, mais de mon avis, il faut encourager la responsabilité individuelle avant toute autre chose. La dernière chose que je voudrais voir, ce seraient des taxes, des lois, des règles, ou autres mesures pour qu’il y aie toujours plus de contrôle et de restrictions sur le marché et sur nos vies. Rien de tout ça ne pourra enrayer les mauvais aspects de nos comportements.
Ils ne contrôlent pas ce qui se trouve dans nos assiettes, mais ce qui se trouve dans les allées centrales des épiceries.
Bonjour Lucien,
Vous n’êtes pas dur, simplement conscient. Je suis d’accord avec vous. Mais la conscientisation commence par l’Information. C’est ce que je tente de faire parce que si vous êtes conscient, combien ne le sont pas? Il faut simplement passer quelques temps dans une épicerie ou dans une pharmacie à escompte pour être horrifié de ce que les gens consomment. Quand on parle de multinationales, on ne parle pas de chaînes de restaurants, mais plutôt de ceux qui fabriquent la très grande majorité des aliments qui se retrouvent sur les tablettes des épiceries. Ces aliments sont moins chers et plus attrayants que les aliments santé. La meilleure façon de s’éloigner de ces aliments néfastes est de cuisiner. Qui le fait?
Cette information, il faut la répandre, la transmettre à tous, un peu à la façon de Laure Waridel. Si tous deviennent conscients, alors les principaux enjeux s’amélioreront.
Passez le mot.
Santé!