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Depuis plusieurs années, on tente de médicaliser les bienportants, sous prétexte de prévenir un pourcentage théorique de maladies à venir. Déjà en 2005, une méta-analyse publiée dans le prestigieux journal The Lancet concluait que si on donnait des statines (médicaments pour réduire le cholestérol) à des personnes qui avaient des LDL (mauvais cholestérol, selon certains) élevés, on pourrait réduire la mortalité de 12% sur 5 ans et la mortalité coronarienne de 19% pour chaque réduction de 1,0 mmol/l de LDL.(1) Ça semble très bien, mais on peut se poser la question suivante: 12% de réduction de risque relatif correspond à quoi en terme de risque absolu?

Pour répondre à cette question, il faudrait connaitre votre risque personnel de maladie cardiaque… Ce qui est virtuellement impossible à déterminer. Pour la discussion, supposons que votre risque relatif de mortalité se situe à 10%. Alors, 12% de réduction signifie que votre risque baisse à un mirobolant 9% (10 – (12% x 10) = 8,8)! Bien sûr, abaisser son risque de maladie est bien, même si c’est de peu, mais à quel cout?

C’est ce genre de statistique que les compagnies productrices de ces médicaments utilisent pour augmenter leurs ventes. Des lignes directrices ont même été élaborées pour encourager les médecins à prescrire ces médicaments dans l’espoir de «sauver des vies» !

Ces arguments facétieux ont été démolis dans l’article https://www.jydionne.com/cholesterol-gras-et-maladies-cardiaques/

J’y cite d’ailleurs le Dr Juneau, cardiologue bien connu, qui affirme que la prescription de statines chez quelqu’un qui n’a pas eu d’infarctus est une prescription pour mal manger.

Le débat reprend

Le comité américain U.S. Preventive Services Task Force (USPSTF) revient avec une proposition de ligne directrice recommandant la prescription de statines à toutes les personnes de 40 à 75 ans qui ont un (pas besoin d’en avoir deux, un seul suffit) facteur de risque de maladie cardiaque, mais aucun symptôme! (2) Les facteurs de risque comprennent non seulement les lipides (LDL) élevés, mais également le diabète, l’hypertension et le tabagisme.

Les chiffres et statistiques utilisés pour supporter une telle recommandation sont complexes et semblent pointer vers un conflit d’intérêt chez les membres du comité. C’est d’ailleurs ce qu’avancent deux experts américains: Mercola (3) et Dr Stephen Sinatra (4). En France, le Dr Michel de Lorgeril (5) et le journaliste Thierry Souccar (6) arrivent aux mêmes conclusions.

Risque / bénéfice des statines

Prenons pour hypothèse que ces statistiques de prévention soient réelles. On parle ici de réduction du risque de mortalité sur 5 ans. Mais après 5 ans, que se passe-t-il? Est-ce que cette diminution se maintient ou si, sur 10 ou 15 ou 20 ans, via des mécanismes autres, on ne voit pas plutôt une augmentation du risque? C’est ce que plusieurs études affirment.

On connait déjà les risques d’atteintes musculaires qui peuvent apparaitre chez 10% des personnes.(7) Maintenant, si on examine l’effet direct sur le système cardiovasculaire, on apprend que l’usage à long terme de statines peut favoriser l’artériosclérose en augmentant le risque de calcification des artères et en diminuant la production de coenzyme Q10 et de glutathion.(8) De plus, l’usage à long terme de statines augmente le risque de diabète. Selon les auteurs, cette augmentation varie de 1% (7) jusqu’à 46% dans la grande étude METSIM finlandaise (9). Tout ça, sans parler des autres effets secondaires, comme la perte de mémoire (10).

Ces réductions du risque relatif valent-elles l’augmentation des risques d’effets secondaires et de complications? Je ne crois pas. La véritable prévention ne se retrouve pas dans un médicament.

La vraie prévention

La vraie prévention de la maladie cardiaque passe d’abord par l’alimentation. Améliorer son alimentation (passer à une diète de type méditerranéenne) réduit le risque cardiaque de 43%.(11) L’activité physique régulière réduit la mortalité de 18 à 42%, sans risque d’aggravation à long terme.(12)

Il est possible de réduire votre risque cardiovasculaire sans prendre de médicament, même si vos LDL sont élevés!

Santé!

Consultez également ces quelques articles sur la diète méditerranéenne :

https://www.jydionne.com/la-diete-mediterraneenne-augmente-la-longevite/

https://www.jydionne.com/diete-et-diabete/

https://www.jydionne.com/une-salade-bien-arrosee-d-huile-dolive-extra-vierge/

Références:

  1. Baigent C, Keech A, Kearney PM, Blackwell L, Buck G, Pollicino C, Kirby A, Sourjina T, Peto R, Collins R, Simes R; Cholesterol Treatment Trialists’ (CTT) Collaborators. Efficacy and safety of cholesterol-lowering treatment: prospective meta-analysis of data from 90,056 participants in 14 randomised trials of statins. Lancet. 2005 Oct 8;366(9493):1267-78. PubMed PMID: 16214597. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16214597
  2. Statin Use for the Primary Prevention of Cardiovascular Disease in Adults: Preventive Medication http://www.uspreventiveservicestaskforce.org/Page/Document/draft-recommendation-statement175/statin-use-in-adults-preventive-medication1
  3. Dr Mercola. New Recommendation for Adults Turning 40: Preventive Statin Use. http://articles.mercola.com/sites/articles/archive/2016/01/06/new-statin-recommendation.aspx
  4. Dr Stephen Sinatra. New Statin Medication Guidelines May Double Use http://www.drsinatra.com/new-statin-medication-guidelines-may-double-use/
  5. Michel de Lorgeril http://michel.delorgeril.info
  6. Thierry Souccar Cholestérol, mensonges et propagande http://www.thierrysouccar.com/sante/livre/cholesterol-mensonges-et-propagande-196
  7. Newman D. Statins given for 5 years for heart disease prevention (with known heart disease). NNT. http://www.thennt.com/nnt/statins-for-heart-disease-prevention-with-known-heart-disease/
  8. Okuyama H, Langsjoen PH, Hamazaki T, Ogushi Y, Hama R, Kobayashi T, Uchino H. Statins stimulate atherosclerosis and heart failure: pharmacological mechanisms. Expert Rev Clin Pharmacol. 2015 Mar;8(2):189-99. doi:10.1586/17512433.2015.1011125. PubMed PMID: 25655639. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25655639
  9. Cederberg H, Stančáková A, Yaluri N, Modi S, Kuusisto J, Laakso M. Increased risk of diabetes with statin treatment is associated with impaired insulin sensitivity and insulin secretion: a 6 year follow-up study of the METSIM cohort. Diabetologia. 2015 May;58(5):1109-17. doi: 10.1007/s00125-015-3528-5.. PubMed PMID: 25754552. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25754552
  10. Strom BL, Schinnar R, Karlawish J, Hennessy S, Teal V, Bilker WB. Statin Therapy and Risk of Acute Memory Impairment. JAMA Intern Med. 2015 Aug;175(8):1399-405. doi: 10.1001/jamainternmed.2015.2092. PubMed PMID: 26054031. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26054031
  11. Panagiotakos D, Sitara M, Pitsavos C, Stefanadis C. Estimating the 10-year risk of cardiovascular disease and its economic consequences, by the level of adherence to the Mediterranean diet: the ATTICA study. J Med Food. 2007 Jun;10(2):239-43. PubMed PMID: 17651058. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17651058
  12. Tanasescu M, Leitzmann MF, Rimm EB, Willett WC, Stampfer MJ, Hu FB. Exercise type and intensity in relation to coronary heart disease in men. JAMA. 2002 Oct 23-30;288(16):1994-2000. PubMed PMID: 12387651. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12387651

19 commentaires

  1. Mon medecin m’a prescrit de la pravastatine et, pendant un temps j’avais des courbatures. J’ai décidé par moi même de la supprimer et mes analyses ne sont pas plus mauvaises pour autant. Je suis diabetique. Depuis que j’ai arrêté cette pravastatine, que mon medecin continue à me prescrire malgré le fait que je lui ais dit que je ne la prends plus, je n’ai plus de courbatures. Hormis quand je fais du sport, mais beaucoup moins que quand je la prenais. Mes analyses de sang sont normales. J’ai 58 ans.

    1. Merci Odile pour ce témoignage
      Il y a tellement d’autres choses à faire qui sont bénéfiques pour la santé. En commençant par augmenter les fibres et réduire les sucres… c’est plus efficace que les statines
      Santé!

  2. En tant que nutritionniste, je me réjouis de lire ce que je pense depuis longtemps mais qu’il m’est difficile de publiciser…
    Je me questionne sur le titre de l’article. Pourquoi le 40 ans ? Je serais portée à croire que le questionnement est valide à tout âge en prévention primaire.
    Pourquoi prescrire des statines à 55 ans si les LDL sont à 3.8 mmol/L par exemple ?

    Aussi, je reviens sur un point que M. Halikas soulève. Est-ce qu’il n’y aurait pas un effet anti-inflammatoire relié aux statines qui POURRAIT justifier leur utilisation en prévention de d’autres pathologies (Synd. métabolique – prédiabète, etc.) ?

    Merci pour cet article, je le transfère immédiatement à certains collègues… 🙂

    1. Bonjoru Marie Claude
      La ligne directrice proposée par le USPTF est de donner des statines dès 40 ans… mais jusqu’à 75 ans. Donc le 55 ans de votre exemple serait victime de cette approche.
      Oui, on a montré que l’effet anti-inflammatoire du Crestor est responsable de la majorité de l’effet, en prévention secondaire (après l’infarctus. L’effet hypo-cholestérol ne compte que très peu.
      Merci pour le transfers
      Santé!

  3. Bonjour,
    Vous citez Michel de Lorgeril qui a publié chez Thierry Souccar Editions une étude édifiante sur les statines. Plus récemment (septembre 2015) le Pr Philippe Even, dans « Corruptions et crédulité en médecine » (éditions du Cherche midi) a une analyse beaucoup plus sévère et alarmante sur les statines et même l’instrumentalisation du cholestérol et des cardiologues, universitaires ou non, par les firmes pharmaceutiques. Selon lui, qui fonde son jugement sur l’examen des tests randomisés et des méta-analyses, le cholestérol ne représenterait un danger que dans des cas bien particuliers (hypercholestérolémies familiales) assez rares et les statines seraient lourdes de plus de risques que de bénéfices, surtout en prévention primaire.
    Diabétique de type 2, on m’a prescrit des statines qui ont été la cause de douleurs musculaires très gênantes au quotidien. Malgré mes plaintes, mon médecin généraliste faisait la sourde oreille, ne me répondant même pas, jusqu’à ce que je sois hospitalisé en urgence et qu’on me détecte une forte poussée d’enzymes cardiaques, symptôme d’une destruction du muscle cardiaque.
    J’ai appris pas la suite, de la bouche même de mon médecin, qu’il avait lui-même participé à une étude randomisée sur la statine prescrite. Cette procédure, rémunérée par le fabricant ne pouvait, me semble-t-il, qu’altérer inconsciemment la qualité de son jugement.
    Ces propos parce qu’il n’y a aucune raison pour qu’il soit le seul dans ce cas et que les risques encourus par la prescription de statines valent que les patients en discutent avec leur(s) praticien(s).
    Merci pour vos articles, tous intéressants.

    1. Merci Degiovanni
      J’ajouterais qu’il est important, en cas de doute, de demander un 2e avis. Je ne sais pas en France, mais ici, les MD ont beau jeu parce qu’ils contrôle l’accès. Ainsi, il est extrêmement difficile d’avoir un MD de famille. Donc, les gens ont peur de questionner leur MD de peur de se faire dire d’aller ailleurs… mais où ?
      Santé!

  4. Il est vrai que les cardiologues témoignent que lors d’un premier infarctus, les patients qui prennent des statines ne reviennent plus à tous les 3 mois pour des complications comme avant leur apparition sur le marché. Par contre une question devrait être élucidées avant de conclure qu’il faut systématiquement les prescrire. Est-ce l’action de diminuer le taux de cholestérol qui a cet effet bénéfique chez les patients malades, ou bien ces médicaments auraient-ils aussi un effet anti-inflammatoire? Si la baisse du cholestérol n’était pas ce qui donne au médicament son efficacité ? Et si cette baisse était plutôt une résultante collatérale qui entraînait les effets secondaires néfastes que les gens ressentent en le prenant ? Dans ce cas, nous pourrions trouver autre chose à leur prescrire, par exemple des antioxydants aux propriétés anti-inflammatoires… Je serais curieux de voir la même étude effectuée avec de l’astaxanthine par exemple, pour voir la réduction de mortalité sur 5 ans….

    1. Bonjour Dino
      Absolument. L’effet anti-inflammatoire, particulièrement avec le crestor, serait plus important que l’effet cholestérol.
      Astaxanthine, oméga 3, polyphénols de bleuet ou autres fruits.
      Bref, les options sont nombreuses.
      Santé!

  5. Le gros problème des statines ce sont les effets secondaires notamment au niveau musculaire. J’en ai pris il y a plusieurs années et les problèmes musculaires étaient majeurs. Mon cholestérol est maintenant parfaitement normal en suivant notamment certains conseils de cet article.

    1. Aussi, la question des statines illustre bien l’importance qu’il faut commencer à accorder à l’aspect qualité de vie dans l’évaluation du rapport risque-bénéfice d’une intervention thérapeutique donnée… Par exemple, les problèmes musculaires associés aux statines suffisement à m’en garder loin, ne serait-ce que pour pouvoir continuer à profiter pleinement de la vie en restant physiquement actif héhé !!!

      1. Dans la revue Alternatif bien.être de janvier 2016 no. 112,
        on y traite abondamment de statines. Justement le DR MICHEL DE LORGERIE ainsi que le PR PHILIPPE
        EVEN en sont les auteurs de l’article. Dois-je ajouter qu’ils sont entièrement d’accord avec votre position.

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